A quelque chose malheur est bon. Si l’épidémie de peste de la fin du Moyen-âge a causé la mort d’entre 75 et 200 millions de personnes dans le monde, elle a parfois eu des conséquences aussi inattendues que bénéfiques. La Peste Noire des années 1347 à 1351, qui avec 25 millions de morts emporte un tiers de la population européenne, est un tournant majeur de notre civilisation.

Au départ, il n’y a qu’une toute petite bactérie : Yersinia pestis. Transportée chez l’Homme par l’intermédiaire des rats et des puces, on en retrouve des traces dès la plus haute Antiquité. Mais en Europe, la dernière grande épidémie, la Peste de Justinien, remonte à plusieurs siècles.

En 1346, la redoutable Horde d’Or des combattants Mongols assiège la ville de Caffa en Crimée, le coeur de l’influence commerciale de la République de Gêne dans la mer Noire. Or depuis près de dix ans, la maladie sévit aux confins des steppes d’Asie Centrale et de la Chine, où les descendants de Gengis Khan ont établi leur immense Empire. Durant le siège de Caffa, les combattants Mongols font l’un des premiers usages de guerre bactériologique de l’histoire : ils jettent les corps des victimes de la maladie par dessus les remparts.

De là, la maladie se répand en suivant les routes maritimes et commerciales de la Méditerranée et de l’Europe. Passant de la puce au rat, et du rat à l’homme, la bactérie se répand de la Norvège au Maroc et de l’Espagne à l’Egypte. Les conséquences démographiques, mais aussi sociales, économiques et culturelles sont immenses. Avec nos quelques siècles de recule sur cette terrible tragédie, on peut pourtant déceler les nombreux « bienfaits » de l’une des plus grandes épidémies de l’histoire.

 

ADN humain © Wikimedia / Nogas1974

Des Européens en meilleure santé

Ce qui ne tue pas rend plus fort. Pour lutter conte la maladie, certains gènes particulièrement utiles se sont répandus en quelques générations dans la quasi-totalité de la population. En effet, les heureux porteurs de ce petit coup de pouce génétique ont logiquement eu de nombreux enfants, au détriment des victimes de la maladie. C’est ce qu’on appelle en biologie un effet de « sélection positive ». Largement transmis à leurs descendants, ce patrimoine génétique particulièrement résistants aux infections a joué un rôle non négligeable dans l’accroissement de l’espérance de vie dans les siècles qui ont suivi.

L’épidémie, en éliminant les personnes les plus faibles, a ainsi avantagé les descendants des survivants par rapport au reste du monde. Un atout non négligeable dans les conditions d’hygiènes et d’insalubrité dans lesquels beaucoup d’entre eux ont vécu.

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