
Et si les premiers feux allumés par nos ancêtres n’avaient pas servi à cuisiner, mais à conserver la viande et à éloigner les charognards ? C’est la thèse avancée par une étude récente menée par des chercheurs de l’université de Tel Aviv, publiée dans la revue Frontiers in Nutrition. Contrairement à l’idée largement répandue selon laquelle l’homme préhistorique aurait domestiqué le feu pour cuire ses aliments, les scientifiques suggèrent que sa première fonction aurait été bien plus stratégique : protéger et préserver la viande.
Une fonction de survie avant tout
Les auteurs de l’étude, le Dr Miki Ben-Dor et le Pr Ran Barkai, se sont appuyés sur l’analyse de plusieurs sites archéologiques datant de 1,9 à 0,8 million d’années. Leur conclusion : le feu aurait d’abord été une arme de conservation, utilisée pour fumer la viande et repousser les prédateurs, bien avant d’être un outil culinaire.
Pour comprendre cette hypothèse, les chercheurs ont étudié des traces de feu dans des sites préhistoriques du Kenya, d’Israël et d’Espagne. Ce n’était pas tant la présence du feu lui-même qui avait attiré leur attention, mais plutôt les énormes quantités d’os de grands animaux, tels que des éléphants, des hippopotames et des rhinocéros, qui avaient été trouvés autour.
Ces proies colossales représentaient une manne énergétique inestimable pour Homo erectus, l’espèce humaine dominante de l’époque. Un seul éléphant pouvait nourrir une famille entière pendant plusieurs semaines. Mais cette abondance posait un problème de taille : comment protéger cette ressource précieuse de la dégradation naturelle et des prédateurs opportunistes ? Le feu, selon Ben-Dor et Barkai, offrait une solution à ces deux enjeux.
Un modèle énergétique révélateur
Les premiers humains n’utilisaient pas le feu de manière régulière. Allumer et entretenir un feu nécessitait des efforts importants, ce qui les incitait à le faire uniquement dans des circonstances particulières. Ainsi, le feu était utilisé de manière stratégique, plutôt que pour des besoins quotidiens. Cependant, les preuves physiques d’une telle utilisation restent rares. Les archéologues n’ont pas trouvé de traces évidentes de foyers ou de résidus de fumée.
Les chercheurs ont utilisé un modèle bioénergétique pour appuyer leur théorie. Celui-ci permet de mesurer les gains et les pertes en énergie associés à différentes stratégies alimentaires. Les résultats montrent que la chasse aux grands animaux fournissait un apport calorique bien plus élevé que la cueillette de plantes. Toutefois, le maintien d’un feu était énergétiquement coûteux.
L’utilisation du feu pour fumer ou conserver la viande, tout en repoussant les charognards, aurait permis de maximiser les bénéfices de ces chasses. Bien que l’utilisation du feu pour cuisiner ait évolué ultérieurement, cette étude suggère que la cuisson était initialement un avantage secondaire. Une fois le feu allumé pour conserver la viande et éloigner les prédateurs, il devenait logique de l’utiliser également pour rôtir des aliments.
Un tournant dans l’évolution humaine
Si cette hypothèse est correcte, elle change la vision traditionnelle de l’utilisation du feu par nos ancêtres. Plutôt qu’une domestication progressive pour améliorer la cuisine, le feu aurait été utilisé comme une innovation stratégique, motivée par des besoins de survie. Cela reflète également une organisation sociale plus complexe chez Homo erectus, qui était capable de planifier à long terme et de différer sa gratification.
Les chercheurs avancent même qu’Homo erectus était un « hypercarnivore », c’est-à-dire qu’il dépendait principalement du gros gibier pour son alimentation. Ce mode de vie aurait perduré jusqu’à ce que ces grands animaux disparaissent, forçant nos ancêtres à adopter de nouvelles stratégies alimentaires.
Bien que l’idée soit séduisante, elle reste difficile à confirmer sans preuves directes. Des résidus de fumée sur les os ou des changements chimiques dans les lipides pourraient fournir des indices plus solides, mais ces preuves manquent pour l’instant. Malgré cela, l’étude reste convaincante et souligne la complexité des choix faits par nos ancêtres en matière d’énergie, de risque et de survie.
Les feux allumés pour fumer la viande n’étaient pas l’œuvre d’Homo sapiens, mais de son prédécesseur, Homo erectus. Cet hominidé, qui parcourait l’Afrique et l’Eurasie il y a plus d’un million d’années, possédait un cerveau plus petit mais un corps robuste et des jambes adaptées à de longues marches. C’est lui qui aurait surveillé les morceaux de viande fumée et préservé ces précieuses ressources face aux menaces des prédateurs.
Par ailleurs, durant des générations, les Néandertaliens se sont livrés à une étrange collection dans cette grotte.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: ZME Science
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