L’histoire de l’aviation est jalonnée de projets ambitieux, de technologies de rupture et d’individus visionnaires. Parmi ces histoires, celle du Horten Ho 229 est particulièrement saisissante. Développé en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale par les frères Horten, cet avion à aile volante a pavé la voie à des avancées considérables en aérodynamique et en technologie de furtivité.
Contexte historique
Le Troisième Reich, sous l’égide d’Hitler, semblait inarrêtable en 1940. Il a déjà conquis la moitié de la Pologne sans trop de pertes et détruit la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et même la France. L’ambition impérialiste de l’Allemagne de régner sur toute l’Europe occidentale n’est combattue que par un seul pays : la Grande-Bretagne.
Le système Dowding, sans doute le système de défense aérienne le plus sophistiqué de l’époque, a permis à la Grande-Bretagne de remporter la bataille d’Angleterre. Ce système de défense astucieux combinait des avions de chasse, une technologie radar et des équipes d’observation au sol pour former un système de défense cohérent autour du littoral britannique. L’élément crucial, cependant, était le radar, une technologie ironiquement inventée par les Allemands, qui permettait de suivre et d’identifier les avions ennemis.
Les plus grands ingénieurs de la Luftwaffe ont été mis au défi par le radar de créer un nouveau bombardier à grande vitesse qui pourrait éviter d’être détecté par les radars alliés. Le chef de la Luftwaffe, Hermann Goering, a fixé l’exigence dite des 3×1000, c’est-à-dire qu’il voulait un avion capable de parcourir mille kilomètres à l’heure, de transporter mille kilos de bombes et d’avoir assez de carburant pour parcourir mille kilomètres jusqu’à sa base.
Les génies derrière la conception
Reimar et Walter Horten se sont montrés à la hauteur de l’événement et ont créé le révolutionnaire Ho 229, un avion inédit tant par son apparence que par ses fonctionnalités. Ayant volé dans la Luftwaffe pendant la bataille d’Angleterre, Walter était parfaitement conscient des défis qui l’attendaient. Ils ont dû passer des turbopropulseurs à hélice à un nouveau turboréacteur en raison de la nécessité d’atteindre une vitesse élevée. En l’occurrence, les moteurs à réaction consomment rapidement du carburant et il ne semblait donc pas physiquement concevable d’avoir un avion capable de voler très vite tout en ayant un grand rayon d’action.
Leur projet, lancé en 1943, proposait donc un design d’avion sans queue, dit à aile volante, éliminant ainsi la traînée aérodynamique que génèrent les éléments verticaux, comme la queue des avions traditionnels. Le défi principal résidait dans la stabilité de l’appareil. Pour surmonter cet obstacle, les ingénieurs ont finement ajusté la forme de l’aile, s’inspirant même du vol des oiseaux pour créer un profil capable de compenser les problèmes d’instabilité inhérents à ce type d’appareil.
La silhouette discrète de l’aile volante est sans conteste sa caractéristique la plus fascinante. Le Ho 229 était difficile à identifier pour les radars car il ne possédait pas d’ailerons de queue, qui permettent aux ondes radar de rebondir plus facilement sur eux. Le Ho 229 est toujours détectable par les radars, bien que son signal soit beaucoup plus faible. Une reconstitution réalisée en 2008 par Northrop Grumman et National Geographic a révélé qu’il serait détectable à seulement 80 % de la distance du chasseur Messerschmitt Bf 109, ce qui, associé à sa grande vitesse, donnerait très peu de temps aux défenses aériennes pour réagir.
Un projet inachevé
Les frères Horten ont réussi à construire plusieurs prototypes mais un prototype appelé Ho 229 V2 semblait prometteur. Doté de deux turboréacteurs Jumo 004B, le premier vol a lieu le 2 février 1945, atteignant des vitesses de près de 975 km/h et démontrant une bonne maniabilité. Les essais en vol de ce prototype ont même réussi à dépasser un chasseur à réaction Me 262 lors d’une simulation de combat aérien. Malgré des avancées considérables en matière de conception et de performance, le Ho 229 n’était pas sans failles.
Le 18 février 1945, lors d’un vol d’essai, l’un des moteurs a pris feu, entraînant un crash fatal. Bien que ce drame ait été un coup dur, il n’a pas mis fin à l’enthousiasme autour du projet. Hermann Goering, le chef de la Luftwaffe, a même ordonné une production accélérée de 40 unités. Toutefois, le contexte de la fin de la guerre a finalement sonné le glas de ce programme ambitieux. Malgré les signes prometteurs, le Ho 229 demeure un projet inachevé.
En avril 1945, des soldats américains ont pénétré dans l’usine de Friedrichroda où était fabriqué le Ho 229. Le prototype le plus avancé, le V3, a été envoyé aux États-Unis pour y être étudié, pavant la voie à des avancées dans la technologie de furtivité. Il est exposé au Centre Udvar-Hazy du musée de l’air et de l’espace des États-Unis, à Chantilly, en Virginie. Des décennies plus tard, des avions tels que le Northrop B-2 Spirit et le B-21 Raider intègrent des éléments de leur conception révolutionnaire. Pour aller plus loin, voici 19 « super-armes » nazies développées au cours de la Seconde Guerre mondiale.