Vivre dans une petite tribu de chasseurs-cueilleurs peut limiter considérablement la sélection des partenaires, en particulier lorsque la plupart des membres de la communauté sont de la même famille. Une étude récente, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, révèle que les derniers chasseurs-cueilleurs de l’âge de pierre en Europe ont évité la consanguinité en interagissant avec des chasseurs-cueilleurs non apparentés, se tenant ainsi à l’écart de l’expansion rapide des populations agricoles du Néolithique.
Les derniers chasseurs-cueilleurs d’Europe
L’étude a porté sur le séquençage du génome de 10 squelettes provenant des célèbres sites de l’âge de pierre de Hoedic, Téviec et Champigny en France, connus pour leurs sépultures élaborées et exceptionnellement bien conservées. La datation au radiocarbone du collagène des os a confirmé que les squelettes avaient environ 6 700 ans et remontaient à la transition entre le Mésolithique et le Néolithique, époque à laquelle les groupes de chasseurs-cueilleurs ont été remplacés par des communautés agricoles.
Les chercheurs ont noté que la taille limitée des populations aurait pu conduire ces groupes à une dérive génétique importante, ce qui n’a pas laissé de place à la consanguinité et à ses effets néfastes. Le fait que plusieurs personnes soient enterrées les unes à côté des autres dans des tombes communes sur les trois sites confirme cette hypothèse. Cette pratique étant inhabituelle à ce stade de l’âge de pierre, il a été suggéré que ces personnes étaient liées par le sang.
Cependant, l’auteure principale de l’étude, le Dr Amélie Vialet, a précisé que leurs résultats indiquaient le contraire. Dans de nombreux cas, y compris ceux impliquant des femmes et des enfants inhumés dans la même tombe, les individus n’avaient aucun lien de parenté. Cela indique l’existence de liens sociaux forts, au-delà de la parenté biologique, qui sont restés significatifs même après la mort.
Stratégies de prévention de la consanguinité
L’analyse isotopique a fourni des indices supplémentaires sur la vie de ces anciens Européens. Elle a démontré que les habitants de chaque site formaient des groupes distincts. Par exemple, les ossements de Hoedic contiennent plus de protéines marines que ceux de Téviec et Champigny, ce qui suggère que ces peuples ont suivi des stratégies de subsistance et d’alimentation différentes.
Les auteurs de l’étude ont estimé, sur la base de ces résultats isotopiques, que certaines des femmes de Hoedic avaient été élevées avec des protéines terrestres avant de se convertir à un régime plus marin plus tard dans leur vie. Cette distinction était probablement une méthode pour éviter la consanguinité, en favorisant l’échange de partenaires au sein de groupes non apparentés.
Selon Luciana G. Simões, autre auteure de l’étude, les analyses génomiques montrent que, bien que ces groupes soient composés d’un petit nombre d’individus, ils ne sont généralement pas étroitement liés. En outre, aucun signe de consanguinité n’a été observé. Les unités sociales distinctes et les habitudes alimentaires variées faisaient probablement partie d’une stratégie visant à éviter la consanguinité.
Remise en question des hypothèses précédentes
Auparavant, il était admis que certaines des femmes enterrées sur ces sites avaient été élevées dans des établissements agricoles, consommant davantage d’animaux terrestres avant de rejoindre les communautés de chasseurs-cueilleurs. Cependant, l’analyse génétique a confirmé que ces femmes étaient originaires de populations de chasseurs-cueilleurs, sans traces génétiques d’agriculteurs néolithiques.
Cette recherche contredit les interprétations antérieures des données sur les isotopes stables, qui suggéraient que les chasseurs-cueilleurs de la fin du Mésolithique étaient sélectifs dans leurs échanges de partenaires, exclusivement avec des groupes de chasseurs-cueilleurs proches, et non avec des agriculteurs du Néolithique.
Ces découvertes éclairent les interactions subtiles entre les derniers chasseurs-cueilleurs et les premiers agriculteurs qui ont vécu en Europe occidentale, révélant un modèle d’échange génétique unidirectionnel. Plutôt que d’intégrer les agriculteurs dans leurs rangs, il semble que les descendants des chasseurs-cueilleurs aient été ceux qui ont rejoint les communautés agricoles. Pour aller plus loin, découvrez les Mikea, les derniers chasseurs-cueilleurs de Madagascar qui sont en voie de disparition.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: IFL Science
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