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Les essais nucléaires américains dans les Îles Marshall ont été plus graves qu’on ne le pensait

Les populations ont été exposées à des niveaux alarmants de radiations et de retombées nucléaires

essais nucléaires
— kristi kuqali / Shutterstock.com

Entre 1946 et 1958, les États-Unis ont transformé les Îles Marshall, un archipel du Pacifique central, en terrain d’expérimentation nucléaire. Aujourd’hui, une nouvelle étude révèle que les conséquences de ces essais sont bien plus étendues que ce que l’on avait jusque-là admis. Commandée par Greenpeace et réalisée par l’Institute for Energy and Environmental Research (IEER), cette analyse démontre que l’ensemble des atolls a été touché par les retombées radioactives. Pourtant, seuls trois d’entre eux ont bénéficié d’un suivi médical destiné à détecter les cancers induits par l’exposition aux radiations.

Un archipel stratégique sacrifié à la science militaire

Les Îles Marshall, composées de 29 atolls coralliens entourant des lagons turquoise, sont habitées depuis des millénaires. Leur histoire récente, toutefois, est marquée par les conflits géopolitiques et l’exploitation coloniale. Après avoir été occupées par les Japonais en 1914, elles furent intégrées dans la machine de guerre nipponne jusqu’à leur conquête par les forces américaines en 1944.

À peine les Japonais évincés, les États-Unis identifièrent rapidement la valeur stratégique de ces îles isolées pour leurs recherches en armement nucléaire. Bien que peuplées, environ 52 000 habitants à l’époque, les îles furent utilisées pour mener pas moins de 67 essais nucléaires. Ces explosions ne visaient pas seulement à tester la puissance des armes, elles servaient aussi à étudier leurs effets sur l’environnement, la technologie militaire et les populations.

Les premiers essais eurent lieu à Bikini en 1946, visant à analyser les dégâts sur des navires militaires. En 1951, les expérimentations se déplacèrent vers l’atoll d’Enewetak, avec des tests de bombes thermonucléaires. Le sommet de cette course technologique fut atteint en 1954 avec l’opération Castle Bravo, la plus puissante explosion nucléaire jamais déclenchée par les États-Unis. Mille fois plus puissante que la bombe d’Hiroshima, elle produisit un nuage de retombées radioactives qui s’étendit bien au-delà des prévisions.

Des retombées mondiales, des souffrances locales

Les conséquences immédiates de l’essai Castle Bravo furent catastrophiques. La détonation a projeté dans l’atmosphère une quantité colossale de particules irradiées, dont du corail pulvérisé, de l’eau de mer vaporisée et des poussières radioactives. Les résidus prirent la forme de cendres neigeuses qui retombèrent sur les îles avoisinantes. Mais ce nuage de mort ne s’est pas arrêté aux frontières de l’archipel, des traces ayant été détectées jusqu’en Inde, en Australie, au Japon, en Europe et aux États-Unis.

Malgré cette diffusion mondiale, ce sont les habitants des Îles Marshall qui en subirent les effets les plus directs. Durant plus de dix ans, ils vécurent sans comprendre la nature du danger, exposés à des doses de radiation bien supérieures à la normale. L’étude de l’IEER montre que même Majuro, la capitale, considérée à l’époque comme peu touchée, présentait des niveaux de radiation gamma des dizaines de fois supérieurs au fond naturel.

Les répercussions sanitaires n’ont pas tardé : cancers, malformations congénitales, maladies chroniques. En 2004, une estimation de l’Institut national du cancer américain évoquait environ 500 cas de cancer supplémentaires dus aux essais, principalement dans les atolls du nord. En 2010, une réévaluation officielle a ramené ce chiffre à 170, une estimation jugée trop conservatrice par de nombreux chercheurs et organisations.

Une vérité enfouie et contestée

Au fil des années, les critiques se sont multipliées à l’encontre de la gestion américaine de ce dossier. Le rapport indique que dès 1948, après seulement trois essais, les autorités américaines avaient reconnu que les conditions météorologiques de la région rendaient les Îles Marshall impropres aux expériences atomiques. Pourtant, les essais se sont poursuivis pendant encore une décennie.

L’étude s’appuie sur des archives officielles américaines, des analyses scientifiques et des données médicales couvrant près de 80 ans. Greenpeace et l’IEER espèrent sensibiliser davantage à la situation en réclamant des réparations pour les dommages infligés. « Ces essais montrent une politique impérialiste et inhumaine, où des vies humaines ont été sacrifiées et des cultures ignorées », affirme Shiva Gounden, de Greenpeace Australie Pacifique. « Les habitants de Bikini et Rongelap ont été déplacés à jamais et les Marshallais ont perdu leurs terres, leurs traditions et leur culture. »

Les États-Unis n’ont toujours pas reconnu l’ampleur des effets de ces essais. Pourtant, il est urgent d’accorder des réparations à la hauteur des souffrances subies par les populations locales, car cet héritage nucléaire continue de marquer profondément les Îles Marshall. Par ailleurs, Satan 2, la super-arme nucléaire russe, explose lors d’un essai.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: IFL Science

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