
Le trou noir supermassif niché au cœur de notre galaxie, Sagittarius A* (ou Sgr A*), est réputé pour être relativement calme. Mais même dans cet état de repos apparent, il peut occasionnellement produire des éruptions inattendues. Grâce au télescope spatial James-Webb (JWST), les astronomes ont récemment capté un événement jamais observé auparavant.
Une nouvelle pièce dans le puzzle des trous noirs
Le 6 avril 2024, Sgr A* a émis une éruption détectée dans l’infrarouge moyen, suivie peu après par une émission d’ondes radio. Bien que de telles « éructations » aient déjà été documentées, c’est la toute première fois qu’elles sont capturées dans l’infrarouge moyen. Cette découverte comble une lacune dans notre compréhension du comportement des trous noirs, selon une équipe dirigée par Sebastiano von Fellenberg, de l’Institut Max-Planck de radioastronomie en Allemagne.
Joseph Michail, astrophysicien au Smithsonian Astrophysical Observatory, explique que les éruptions de Sgr A* peuvent évoluer rapidement, en l’espace de quelques heures, mais ces changements ne sont pas toujours visibles dans toutes les longueurs d’onde. « Pendant plus de 20 ans, nous avons observé cette activité dans les ondes radio et l’infrarouge proche, mais la relation entre ces deux domaines restait floue. Cette nouvelle observation dans l’infrarouge moyen permet de combler cette lacune. »
Les trous noirs supermassifs, tels que Sgr A* avec ses 4,3 millions de fois la masse du Soleil, jouent un rôle fondamental dans la structure de l’Univers, étant au cœur des galaxies autour desquelles elles gravitent. Selon leur niveau d’activité, ils peuvent soit dévorer de la matière à un rythme effréné, soit rester relativement calmes. Sgr A* se trouve à l’extrémité calme du spectre, ce qui permet aux scientifiques de l’étudier de près, contrairement à d’autres trous noirs supermassifs plus actifs dans d’autres galaxies.
Une région cosmique turbulente
Depuis des décennies, les scientifiques scrutent le centre galactique à différentes longueurs d’onde pour comprendre les phénomènes étranges qui s’y produisent. Ce nouvel événement renforce la compréhension de la dynamique complexe qui règne dans cette région turbulente. Autour de Sgr A*, un immense tore de poussière et de gaz tourbillonne, créant une zone chaotique.
Les causes précises des éruptions observées restent incertaines, mais les simulations suggèrent qu’elles pourraient résulter d’interactions entre les lignes de champ magnétique proches du trou noir. Ces interactions, lorsqu’elles se produisent, libèrent une quantité colossale d’énergie sous forme de rayonnement synchrotron. Ce rayonnement est émis par des électrons accélérés le long des lignes de champ magnétique.
Cependant, avant cette récente observation, il n’était pas possible de confirmer cette hypothèse. L’infrarouge moyen, qui se situe entre les longueurs d’onde submillimétriques et l’infrarouge proche, cache certains secrets cruciaux sur les processus impliqués, notamment sur le refroidissement des électrons qui libèrent l’énergie lors des éruptions. Les nouvelles observations confirment les modèles théoriques et ajoutent un élément tangible à la compréhension de ces phénomènes.
Une étude collaborative et des découvertes prometteuses
Les observations ont été réalisées à l’aide de l’instrument MIRI du JWST, ainsi que du réseau submillimétrique géré par le Smithsonian Astrophysical Observatory et l’Academia Sinica. En complément, des données ont été recueillies par l’observatoire de rayons X Chandra et le Nuclear Spectroscopic Telescope Array de la NASA.
Lorsque le télescope James-Webb a détecté une éruption qui a duré environ 40 minutes, les autres instruments ont été consultés pour observer les phénomènes associés. Bien qu’aucune émission n’ait été enregistrée dans les rayons X ou gamma, l’observatoire submillimétrique a capté une éruption radio avec un retard de 10 minutes par rapport à l’infrarouge moyen.
Les chercheurs estiment que ces résultats correspondent à un rayonnement synchrotron provenant d’électrons refroidis qui s’accélèrent en réponse à des phénomènes comme la reconnexion magnétique ou la turbulence dans le disque d’accrétion de Sgr A*. Cependant, beaucoup de questions demeurent sans réponse, et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour approfondir notre compréhension. Par ailleurs, James-Webb observe de mystérieuses structures au-dessus de la Grande Tache rouge de Jupiter.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
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