Face à la peur, notre corps peut réagir automatiquement de différentes façons possibles. Et il arrive parfois qu’au lieu de fuir ou de combattre cette situation, on reste au contraire complètement immobile, sans savoir quoi faire. Des chercheurs se sont penchés sur la question et le Daily Geek Show vous expose leurs conclusions.
Fuir ou lutter, il faut choisir
En psychologie, il est couramment admis qu’il existe deux types de réactions face à une situation qui nous fait peur. C’est ce qu’on appelle la réponse combat-fuite. Si l’on devait prendre un exemple concret, cela signifie que, si une araignée venait à nous tomber sur l’épaule sans prévenir, la peur (ou surprise) nous ferait réagir de deux façons distinctes : fuir le plus loin possible de l’arachnide, ou s’en débarrasser d’une façon ou d’une autre.
C’est une réponse tout à fait normale que les chercheurs ont depuis longtemps identifiée comme étant une réponse primitive de notre cerveau pour survivre. Cette réaction peut d’ailleurs s’observer chez les autres animaux. Lorsque nous sommes face à une situation qui nous fait ressentir la peur, le cerveau produit de l’adrénaline en grande quantité, ce qui a pour effet d’accélérer le rythme cardiaque, de mieux alimenter les muscles en sang et nous concentrer précisément sur l’objet de cette peur, afin de déterminer quelle option choisir.
C’est d’ailleurs cette concentration exceptionnelle qui fait que nous pouvons avoir du mal à nous souvenir des détails lors d’une telle situation.
Le fait que l’on choisisse de fuir plutôt que de lutter, ou l’inverse, est en partie conditionné par ce que les psychologues appellent le conflit approche-évitement. Selon ces termes, une personne dite « motivée par l’approche » (comme les extravertis ou les personnes qui prennent régulièrement des risques) ont tendance à voir une récompense dans la plupart des situations.
Au contraire, les personnes « motivées par l’évitement » ont plutôt tendance à surtout se focaliser sur les risques, les aspects et les conséquences négatives d’une situation.
Dans son article, le docteur Rachael Sharman utilise l’exemple d’une soupe d’araignées pour illustrer cette opposition. « Si une personne de type « approche » avait l’opportunité de goûter à une soupe d’araignées pour la première fois de sa vie, elle pourrait penser « C’est intéressant, je me demande si ça sera meilleur que ce à quoi ça ressemble. Au pire, je pourrais mettre une photo de moi en train de manger une araignée pour impressionner les copains. »
Tandis qu’une personne de type « évitement » pourrait plutôt réagir de cette façon « Une soupe à l’araignée ?! Je vois pas comment ça pourrait être une bonne idée ! Ça sera sûrement immonde ou même toxique, et après je vais me sentir mal et vomir devant tout le monde » .
Une extension du sentiment de surprise ?
Il y a toutefois une troisième réponse possible face à une menace : l’immobilité. Ce que les anglo-saxons désignent par le fait de « freeze« , d’être gelé sur place, incapable de réagir à la situation devant soi.
Rachael Sherman admet dans son article que cette non-réaction pourrait en fait être une simple extension du sentiment de surprise. « La surprise est l’émotion que l’on ressent lorsque des événements inattendus se produisent que que nous avons besoin de nous s’arrêter et de gérer la scène afin de décider s’il faut fuir ou lutter« .
Pour elle, l’expression du visage renseigne sur l’objectif de cette émotion : les yeux s’ouvrent grand pour améliorer la vision périphérique et mieux analyser notre environnement, tandis que la bouche s’ouvre et l’on se met à inspirer/expirer en prévision d’un cri ou d’une course.
« Les gens s’immobilisent lorsqu’ils sont surpris car ils consacrent toute leur énergie à décider si ce qui se déroule devant eux est une menace, une blague ou un incident inoffensif. Souvent, les témoins subissent des critiques (injustes) car ils ne sont pas intervenus immédiatement lors d’un événement inattendu comme une agression. Mais typiquement, les gens sont tellement choqués qu’ils en restent figés sur place » .
Mais si s’arrêter de bouger l’instant de quelques millisecondes est tout à fait normal, le fait d’être littéralement paralysé par la peur peut être un véritable problème face à une situation dangereuse.
Le cervelet en cause
Pourquoi une telle catalepsie peut-elle se produire ? Les scientifiques et spécialistes en neurologie se penchent sur le sujet depuis déjà longtemps pour mieux comprendre cette alternative involontaire au dilemme de la fuite et de la lutte.
En avril 2013, des neurologistes de l’Université de Bristol (Royaume-Uni) ont mis en évidence l’existence d’une voie dans le cerveau de rats qui pourrait être à l’origine de cette réponse au sentiment de peur. Ils ont en effet découvert un enchaînement de connections neuronales menant jusqu’au cervelet. D’après cette étude, lorsqu’elles sont activées par un stimulus menaçant imaginaire ou réel, ces connections provoquent cet état de paralysie dans le corps.
Ces connections ont pour origine la substance grise-périaqueducale (PAG), une région du cerveau qui est responsable du déclenchement de notre réaction face au danger. La communauté scientifique avait déjà connaissance du fait que cette région recevait différents stimulus concernant des menaces potentielles qui déclenchent des réponses automatiques (comme l’accélération du rythme cardiaque ou le rush d’adrénaline).
Ce que cette étude de l’Université de Bristol met en évidence est qu’il existe une voie spécifique qui part de la substance grise-périaqueducale et qui va jusqu’à une zone très précise du cervelet, le vermis du cervelet, qui provoque cette catalepsie du corps.
La piste de l’évolution
Une réponse sous forme de paralysie est supposée arriver lorsque le choix entre la fuite et la lutte est impossible. Pour Rachael Sherman et beaucoup d’autres spécialistes, c’est une réaction en lien direct avec notre « histoire évolutionniste« , notamment chez les chasseurs de la Préhistoire. Ainsi, nous ferions comme d’autres animaux le font régulièrement : nous faisons semblant d’être morts.
Les scientifiques suggèrent en plus que ce « gel » pourrait avoir des bienfaits psychologiques. Selon Rachael Sherman, de nombreuses personnes qui ont été sujettes à cette réaction ne semblent pas se souvenir des détails, voire de l’intégralité des événements traumatiques. Comme une façon de se protéger de séquelles psychologiques.
Par Corentin Vilsalmon, le
Source: The Conversation
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