Oeufs, viandes, légumes… Il est à la mode aujourd’hui de connaître la provenance des aliments qu’on consomme. En clair, de savoir ce que l’on a dans l’assiette. Mais savez-vous toujours quelles sont les conditions de production de ces produits, notamment celles des poules qui pondent les œufs ? Une start-up nommée « Poulehouse » a décidé d’y remédier.
Des maisons de retraite pour poules pondeuses au lieu de l’abattoir
L’œuf, ce petit ovale riche en protéines, est l’un des produits les plus consommés en France et dans le monde, justement pour ses qualités nutritionnelles. Si l’on sait qu’il vient de la poule, il n’est pas toujours évident au moment de l’achat, de savoir dans quelles conditions ces dernières vivent. Si cela dépend des fermes, une chose ne changeait pas jusque-là : les poules âgées de 18 mois ou plus étaient envoyées à l’abattoir, du fait de leur baisse de productivité. Dans les rayons, vous verrez peut-être ce slogan : « l’œuf qui ne tue pas la poule ». Eux, c’est « Poulehouse », une entreprise fondée en 2017 par Fabien Sauleman et Elodie Pellegrain, une ingénieure agronome.
Le co-fondateur s’explique sur l’origine de cette start-up : « C’est en devenant végétarien que je me suis intéressé aux œufs, une source de protéines animales a priori sans souffrance. Et j’ai découvert que l’immense majorité des poules, y compris celles issues des élevages bio, sont envoyées à l’abattoir à seulement 18 mois ». Alors qu’en réalité, elles peuvent vivre bien plus longtemps. Son associée ajoute : « D’autant qu’une poule peut pondre jusqu’à la fin de sa vie, elle est juste un peu moins productive ». L’idée est alors venue : créer des maisons de retraite pour ces animaux. Le concept est similaire au système de retraite par répartition français : les poules actives travaillent pour payer la retraite de leurs aînées. De jeunes poules, au plus haut de leur potentiel de ponte, sont au travail chez des éleveurs bio partenaires de la marque (quatre pour l’instant dans l’Eure, l’Eure-et-Loir, le Loiret et la Somme).
L’objectif : installer ce système chez les agriculteurs
Tout le monde y gagne dans cette alliance : d’un côté, les éleveurs s’engagent à ne pratiquer aucune mutilation du bec, à commercialiser les œufs sous la marque Poulehouse et à remettre les pondeuses à la start-up plutôt qu’à l’abattoir quand elles atteignent 18 mois. De l’autre côté, ils perçoivent quelques centimes de plus pour chaque œuf. Ils sont donc vendus un euro pièce, soit deux fois plus cher qu’un œuf bio classique. Les œufs estampillés Poulehouse financent d’une part le confort des poules retraitées en Haute-Vienne (lieu de la première ferme de repos comptant 600 pensionnaires), d’autre part la partie recherche et développement de l’entreprise. Fabien Sauleman résume le projet : « A terme, notre projet est que des agriculteurs bio s’installent sur le même modèle et gardent les poules âgées chez eux, car nous aurons prouvé qu’au prix de l’œuf éthique que nous proposons le modèle business fonctionne ».
Selon l’entrepreneur parisien, « une vingtaine d’agriculteurs souhaitent même rejoindre le réseau, mais pour l’instant nous n’avons pas assez de débouchés ». Le bilan est néanmoins très positif. Depuis la commercialisation des premières boîtes en septembre 2017, 400 000 œufs ont déjà été écoulés dans 300 points de vente, supermarchés bio (Biocoop, Naturalia) ou conventionnels (Franprix, Monoprix et bientôt Carrefour). Poulehouse prévoit d’ailleurs pour l’automne 2018 d’accueillir 3000 gallinacées supplémentaires dans la ferme de Coussac-Bonneval (à 40 km de Limoges). Cette dernière contient un parc sécurisé de 16 hectares avec du soleil, de l’herbe fraîche et de la nourriture à volonté pour les pensionnaires. Au total, 18 000 poules peuvent être accueillies. Pour les futures retraitées, une levée de fonds est en cours sur une plateforme de financement participatif dédiée aux placements innovants (myoptions.co), pour réunir 100 000 euros (pour construire de nouveaux hangars).
Le bien-être des poules au centre des attentions
Par ailleurs, outre une sensibilisation du public au sort des poules, la ferme limousine sera également dédiée à la recherche, avec pour objectif de réunir des données sur la mortalité, la productivité et l’état sanitaire des poules au-delà des 18 mois fatidiques. Une chose est certaine : de plus en plus de consommateurs sont sensibles à la question du bien-être animal. Suite à la diffusion de vidéos chocs sur les conditions de vie des poules pondeuses élevées en cage (notamment celle tournée par l’association L214), la grande distribution a vu la vente d’œufs issus de ces poules diminuer.
Sous la pression des consommateurs et des associations de protection des animaux, de plus en plus d’enseignes bannissent de leurs rayons ces produits. Monoprix s’est engagée depuis 2016 à ne plus vendre ces œufs et d’autres comme Carrefour, Intermarché, Aldi ou Lidl lui ont emboîté le pas et arrêteront la commercialisation de ces produits d’ici 2025. Peu à peu, d’autres secteurs comme la restauration, l’hôtellerie ou encore l’agroalimentaire s’engagent également à ne plus utiliser ces œufs.
Aujourd’hui plus que jamais, les consommateurs sont attentifs à ce qu’ils achètent et surtout au mode de production des différentes marques. Après des années d’achats aveugles, la mode est au bio et au respect des bonnes conditions, comme le montre l’exemple de Poulehouse et des maisons de retraite pour poules.
Par Thomas Le Moing, le
Source: Sciences et avenir
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