Une équipe internationale de chercheurs dirigée par l’université de Cambridge a récemment effectué la plus grande analyse jamais réalisée de données sur les anneaux de croissance des arbres dans l’Arctique russe, montrant que la pollution atmosphérique dans cette région du monde avait jusqu’à présent été largement sous-estimée.
Un dépérissement massif
Dans le cadre de ces travaux présentés dans la revue Ecology Letters, les chercheurs ont utilisé des mesures de la largeur des anneaux de croissance annuelle des arbres et de chimie du bois sur des végétaux vivants et morts avec les caractéristiques du sol et la modélisation informatique. Ce qui leur a permis de mettre non seulement en évidence l’impact dévastateur de décennies d’exploitation du nickel et du cuivre sur les écosystèmes locaux, mais également des perturbations dans le cycle global du carbone.
Ville la plus septentrionale du monde, Norilsk est également l’un des endroits les plus pollués de la planète en raison d’une exploitation minière intensive depuis les années 1930, responsable de la destruction d’environ 24 000 kilomètres carrés de forêts boréales depuis les années 1960. En analysant les cernes de milliers de végétaux de la région, les chercheurs ont constaté que même les arbres situés sous des latitudes plus extrêmes souffraient de cette intense pollution atmosphérique, avec un dépérissement massif constaté dans un rayon de 100 kilomètres.
Selon les auteurs de l’étude, cette quantité de pollution issue de l’activité minière et rejetée dans l’atmosphère serait partiellement responsable de « l’assombrissement de l’Arctique », phénomène généralement associé aux éruptions volcaniques.
« Les arbres près de Norilsk ont commencé à mourir massivement dans les années 1960 »
Les chercheurs ont spécifiquement évalué l’étendue des impacts environnementaux dévastateurs dans la région de Norilsk, ayant atteint des sommets dans les années 1960.
« En exploitant les informations stockées dans des milliers d’anneaux de croissance d’arbres, nous avons pu quantifier les effets de la catastrophe environnementale incontrôlée de Norilsk au cours des neuf dernières décennies », avance le professeur Ulf Büntgen, auteur principal de l’étude. « Alors que le problème des émissions de soufre et du dépérissement des forêts a été évalué avec succès dans une grande partie de l’Europe, nous n’avions jusqu’à présent pas été en mesure de déterminer son impact pour la Sibérie, en grande partie à cause d’un manque de données de surveillance à long terme. »
« Nous avons constaté que les arbres près de Norilsk ont commencé à mourir massivement dans les années 1960 en raison de l’augmentation des niveaux de pollution », poursuit Büntgen. « La pollution atmosphérique dans l’Arctique s’accumulant en raison des schémas de circulation à grande échelle, nous avons étendu notre étude bien au-delà des effets directs du secteur industriel de Norilsk et avons constaté que les arbres des hautes latitudes nordiques souffraient également. »
« L’ampleur des effets de la pollution industrielle est stupéfiante »
Les chercheurs ont également constaté que la croissance des arbres avait été considérablement freinée depuis les années 1970 via l’obscurcissement de l’Arctique, phénomène dans lequel la lumière solaire se trouve partiellement bloquée par des particules dans l’atmosphère. Ce qui se traduit par un processus d’évaporation ralenti et un cycle hydrologique perturbé.
Alors que le réchauffement climatique devrait accélérer la croissance des arbres boréaux, les hauts niveaux de pollution atmosphérique ont empêché ce phénomène de se produire, en diminuant la capacité des arbres à transformer la lumière du soleil en énergie par le biais de la photosynthèse.
« L’ampleur des effets de la pollution industrielle est stupéfiante et montre à quel point la forêt boréale est vulnérable et sensible », estime Büntgen. « Étant donné l’importance de ce biome d’un point de vue écologique, les niveaux de pollution dans les hautes latitudes nordiques pourraient avoir un impact énorme sur l’ensemble du cycle global du carbone. »
Par Yann Contegat, le
Source: Eurekalert
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Catégories: Écologie, Actualités