Image Credit : Archeological Museums of Rome

Il y a près de 2 000 ans, dans l’Antiquité, Rome était non seulement la capitale de l’Empire mais également considérée comme une ville sacrée. Ses contours étaient définis par des pierres colossales, qui différenciaient l’urbs (la ville) de l’ager (le territoire environnant). Très récemment, une de ces pierres a, pour le plus grand bonheur des historiens et des archéologues, été exhumée en plein coeur de Rome par des ouvriers du bâtiment.

Le pomerium, un espace politique…

Plus de deux mille ans plus tôt, une dizaine de pierres colossales délimitaient les limites de la ville sacrée, de la capitale, Rome. Ces pierres très particulières, appelées pompéiennes ou encore cippus, étaient composées de calcaire et mesuraient plus de deux mètres. Elles définissaient ce qu’on appelait alors le pomerium, une bande de terre sacrée contiguë aux frontières de la ville et sur laquelle il était interdit d’habiter ou de faire prospérer une culture. Toute arme y était par ailleurs interdite. Ce qui se trouvait au-delà du pomerium était l’ager, et de l’autre côté, l’urbs.

Claudio Parisi Presicce, le directeur des musées archéologiques de Rome, s’est exprimé au sujet de cette fantastique découverte lors d’une conférence de presse en juillet dernier. Il estime que « l’acte fondateur de la ville de Rome part de la réalisation de ce pomerium ». Le pomerium de la ville avait en effet à la fois une importance civique et une importance symbolique. Du fait de son importance symbolique, seul un magistrat avait le pouvoir de le redessiner. Il a été étendu quelques fois, notamment par Claude qui, en 43 après Jésus-Christ, avait conquis la Grande-Bretagne.

La ville de Rome avait alors pris plus d’ampleur, d’où cette décision. Le Champ de Mars, entre autres, avait donc été inclus dans l’urbs. Wiseman précise dans un courriel à LiveScience que du temps de Claude, « la zone du Champ de Mars à l’extérieur des murs avait été développée avec de très grands bâtiments publics – portiques, temples et théâtres, etc. – et il était donc évident que le pomerium devait être étendu pour l’inclure ».

Image Credit : Archeological Museums of Rome

… mais également sacré

Les Étrusques, civilisation aussi fascinante que mystérieuse et qui précéda les Romains, influencèrent beaucoup ces derniers. Ils seraient à l’origine de nombreuses découvertes, inventions, concepts et traditions qu’ils auraient par la suite transmis aux Romains. Le concept d’une démarcation sacrée autour de la ville viendrait notamment d’eux. D’après Filippo Carlà-Uhink, professeur d’histoire ancienne à l’université de Potsdam, « lorsque Romulus dessine [le pomerium], il sépare fondamentalement le monde de la civilisation et de l’histoire – la ville – de la nature sauvage et de la préhistoire de ce qui reste à l’extérieur ».

De surcroît, les magistrats au pouvoir étaient régulièrement censés consulter les auspices, c’est-à-dire qu’ils devaient se renseigner sur l’avenir ou bien les prévisions de chance ou de malchance effectuées par un prêtre que l’on appelait « augure ». La consultation des auspices était nécéssaire à CHAQUE traversée du pomerium, et les superstitions établissaient que si on ne le faisait pas, on risquait de mourir. Cicéron raconte cette anecdote : Tibère Gracchus, consul en l’an -163, avait omis de consulter les auspices de la ville une deuxième fois après avoir été rappelé dans l’urgence pour une réunion du Sénat. Peu de temps après, un des rogator (agent électoral) est décédé soudainement, ce que l’on aurait imputé à l’omission de Tibère Gracchus. Filippo Carlà-Uhink rapporte que « cela a été immédiatement perçu comme un signe de la colère des dieux, et lorsqu’on a compris pourquoi, le Sénat a décidé que les deux consuls-élus devaient démissionner et les élections ont été organisées une seconde fois ».

Finalement, le symbole du caractère sacré du lieu était représenté par le fait qu’il était interdit de porter des armes à l’intérieur du pomerium. Par conséquent, et par exemple, lorsqu’il était temps de licencier une armée romaine, les magistrats devait le faire à l’extérieur de la ville. Seule exception, les processions militaires, également appelées triomphes et qui étaient autorisées par le Sénat aux plus grands militaires.

Image Credit : Archeological Museums of Rome

La légende de Romulus et Rémus

Nous connaissons tous la légende de Romulus et Rémus : deux jumeaux élevés par une louve et qui, à l’âge adulte, se seraient entretués après s’être disputés le territoire qui allait par la suite devenir la ville de Rome. Selon Peter Wiseman, professeur émérite de lettres classiques à l’université d’Exeter au Royaume-Uni, qui s’est exprimé à Live Science, la création du pomerium entretient un lien très fort avec la légende même de Romulus et Rémus.

En effet, le pomerium aurait été dessiné pour la première fois par Romulus au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, grâce à un sillon qu’il avait tracé avec un soc tiré par un bœuf (sacré, bien évidemment). Ce sillon délimitait les territoires possédés par Rémus de ceux possédés par Romulus. Bien évidemment, les versions de cette légende diffèrent, mais l’une d’entre elles rapporte que Rémus aurait sauté de l’autre côté du sillon pour embêter son frère jumeau, ce qui aurait provoqué l’ire de Romulus. Ce dernier aurait donc tué Rémus et par la suite fondé Rome.

Wiseman ajoute même des précisions étymologiques : selon lui, pomerium serait une version abrégée de l’expression post moerium, qui signifie « derrière le mur ». Ce sillon, ce pomerium est donc historique et a toujours marqué les frontières de la ville.

Image Credit : Archeological Museums of Rome

Un trésor caché découvert en plein cœur de Rome

On observe sur cette pierre pomérienne une inscription écrite en latin qui prouve qu’elle a été placée le long du pomerium vers 49 après Jésus-Christ, au moment même où l’empereur Claude décidait d’agrandir la ville. En effet, ce dernier a dirigé l’Empire de 41 à 54. Ce n’est pas la première fois que l’une de ces pierres est retrouvée, mais seulement, il s’agit de la première depuis plus de 100 ans. L’une d’entre elles, qui date également du règne de Claude, est par exemple exposée aux Musées du Vatican.

Mais en attendant de trouver son éternelle demeure, la dernière découverte sera exposée au musée de l’Ara Pacis, situé à proximité du lieu de découverte. Il avait été fondé par l’Assemblée romaine en l’an 13 afin d’honorer l’empereur Auguste après ses maintes victoires. Petite anecdote : ce trésor caché, vestige de la Rome antique, a été découvert lors de la construction d’égouts sous le mausolée d’Auguste. Qui aurait cru que la construction d’égouts pouvait déboucher sur une découverte aussi fascinante ?

Image Credit : Archeological Museums of Rome
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