
Une courbe noire sur le corps d’une déesse, des étoiles peintes de part et d’autre… et si les anciens Égyptiens avaient représenté la Voie lactée, bien avant les astronomes modernes ?
Une trace astrale sur un cercueil : la Voie lactée dessinée sur le corps de Nout ?
Tout commence par un cercueil. Pas n’importe lequel. Celui de Nesitaudjatakhet, une chanteuse d’Amon-Rê ayant vécu il y a environ 3 000 ans. Il est conservé au Musée archéologique d’Odessa, en Ukraine. Ce cercueil a attiré l’attention d’un astrophysicien pas comme les autres : Or Graur, professeur à l’université de Portsmouth.

Alors, qu’est-ce qui l’intrigue ? Une large courbe noire ondulée, peinte sur le corps de la déesse Nout. Elle s’étire des pieds jusqu’aux doigts. Elle suit l’arc du corps de la divinité. De part et d’autre, des étoiles. Beaucoup d’étoiles. Or Graur y voit une analogie frappante avec la Grande Faille de la Voie lactée. C’est cette bande sombre de poussières qui fend la clarté du ciel nocturne, bien connue des astrophotographes.
Cependant, ce n’est pas une simple intuition. En effet, le chercheur a analysé 125 représentations de Nout sur plus de 500 cercueils égyptiens anciens. Ce motif ondulé, bien qu’exceptionnel, revient dans quelques tombes prestigieuses de la vallée des Rois. Par exemple, dans celles de Ramsès VI ou de Séthi Ier. Là aussi, des courbes similaires traversent le plafond orné du Livre du jour et de la nuit.
Comment la déesse Nout incarne le ciel étoilé et inspire les chercheurs modernes
Si cette découverte fascine, c’est aussi parce qu’elle s’ancre dans une tradition riche. En effet, dans la mythologie égyptienne, Nout est la déesse du ciel. Chaque soir, elle avale le soleil, le porte dans son ventre toute la nuit, puis le redonne au monde chaque matin. Elle est représentée nue, courbée au-dessus de la Terre. Son corps est parsemé d’étoiles. Une figure à la fois cosmique et protectrice.
En 2024, Or Graur avait déjà exploré les liens entre Nout et la Voie lactée. Pour cela, il s’était appuyé sur les textes anciens : Textes des pyramides, Textes des sarcophages, Livre de Nout, entre autres. Il proposait alors une lecture saisonnière du ciel. Ainsi, en hiver, la Voie lactée soulignerait les bras tendus de la déesse. En été, sa colonne vertébrale.
Aujourd’hui, avec cette nouvelle étude visuelle, il affine sa thèse. Nout ne représente pas la Voie lactée. En revanche, cette dernière, comme le soleil ou les étoiles, peut orner son corps en tant que partie du ciel. Autrement dit, il faut nuancer : la Voie lactée n’est pas une divinité, mais un motif parmi d’autres dans la fresque céleste de la cosmologie égyptienne.
Ce projet, Graur le mène avec passion. Il s’est inspiré d’une visite de musée avec ses filles. Ces dernières, fascinées par cette femme arquée pleine d’étoiles, n’ont cessé de poser des questions. « Papa, c’est qui ? Pourquoi elle est comme ça ? » Et voilà comment une question d’enfant peut mener à la redécouverte des cieux antiques.
Redécouvrir la Voie lactée à travers les yeux des anciens Égyptiens
La prochaine fois que vous levez les yeux dans un ciel nocturne pur, pensez à Nout. Peut-être qu’entre les bras lumineux de la Voie lactée, vous distinguerez cette arche protectrice. Cette silhouette ancestrale qu’avaient peut-être devinée les anciens Égyptiens. En somme, c’est une preuve de plus. Le ciel a toujours été une page sur laquelle l’humanité aime écrire ses mythes.