L’ADN ancien a permis aux chercheurs de réaliser une étude novatrice qui a abouti à la construction du plus grand arbre généalogique jamais établi. Cette étude offre un aperçu unique de la société néolithique, une période clé de l’histoire humaine où les humains sont passés d’un mode de vie de chasseurs-cueilleurs à un mode de vie agricole. Ce changement a entraîné des modifications importantes dans les pratiques sociales et les modes de reproduction.
Un arbre généalogique impressionnant : la parenté révélée
Les chercheurs ont étudié l’ADN provenant d’un cimetière néolithique situé dans le Bassin parisien, en France, appelé Gurgy “Les Noisats”. Ils ont ainsi pu obtenir des renseignements sur les liens familiaux, les rites funéraires et l’organisation sociale de cette ancienne communauté, remontant jusqu’à il y a 6 700 ans.
Grâce à l’ADN ancien, les chercheurs ont réussi à reconstituer un arbre généalogique impressionnant comprenant 64 individus sur sept générations. Il s’agit du pedigree le plus étendu jamais réalisé à partir de l’ADN ancien. Les chercheurs ont également identifié un deuxième arbre généalogique, plus petit, qui relie 12 individus sur cinq générations. Les analyses génétiques ont montré que les personnes enterrées dans le cimetière n’étaient pas disposées au hasard, mais qu’elles étaient proches parentes.
Stéphane Rottier, archéo-anthropologue à l’université de Bordeaux, qui a dirigé les fouilles du site entre 2004 et 2007, explique que dès le début des fouilles, des indices ont montré que l’espace funéraire était totalement maîtrisé et qu’il y avait très peu de sépultures qui se superposaient, ce qui indique que le site était géré par un groupe d’individus ayant des liens étroits, ou du moins par des personnes qui connaissaient l’emplacement des sépultures.
Les chercheurs ont également découvert un personnage important, considéré comme le “père fondateur” du cimetière, qui se trouvait au sommet de cet arbre généalogique. Cet individu avait été enterré à côté d’une femme dont l’ADN n’a pas pu être extrait. Cette découverte a attiré l’attention des chercheurs car la façon dont ses os avaient été enterrés suggérait qu’il était mort ailleurs, qu’il avait été enterré et exhumé pour être enterré à nouveau à côté de la femme.
Une société patrilocale et des échanges fluides
L’étude a révélé que la société néolithique étudiée avait une structure sociale patrilocale. Les hommes semblaient rester dans leur région d’origine tandis que les femmes venaient de différentes régions. Les lignées maternelles (mitochondriales) et les isotopes stables montrent que les femmes provenaient souvent d’autres colonies, ce qui implique des échanges et des contacts fréquents entre les différentes communautés il y a 6 700 ans.
Maïté Rivollat, première auteure de l’étude, déclare que le nombre élevé de frères et sœurs à part entière qui ont atteint l’âge de procréer, ainsi que le nombre égal de femmes et le nombre important d’enfants décédés, témoignent de familles nombreuses, d’un taux de fécondité élevé et de conditions de santé et de nutrition généralement stables, ce qui est remarquable pour une période aussi ancienne.
Ces résultats indiquent que les individus avaient une grande mobilité et que les échanges entre les colonies étaient courants, contribuant ainsi à la diversité génétique et culturelle de la population néolithique.
La monogamie néolithique
Les chercheurs ont également pu établir des informations sur les pratiques d’accouplement dans la société néolithique. Le pedigree massif a révélé l’absence de demi-frères et de demi-sœurs, indiquant que les premiers agriculteurs étaient probablement monogames.
Cela signifie qu’ils avaient des partenaires exclusifs plutôt que d’adopter des pratiques de polygamie ou de monogamie sérielle. Ces résultats ont été confirmés par les données du chromosome Y, qui ont montré que les hommes partageaient des ancêtres communs, soutenant ainsi l’idée d’une société monogame.
Ces résultats sont une aubaine pour les anthropologues et les archéologues, car ils nous permettent d’assister au drame de sociétés disparues il y a des milliers d’années. Wolfgang Haak, de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste, l’auteur principal de l’étude, affirme que cette recherche ouvre une nouvelle voie pour l’étude du passé humain ancien.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: IFL Science
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