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Au mois de mars, le gouvernement marocain avait pris la décision de fermer ses frontières en vue d’endiguer au mieux l’épidémie de coronavirus. Une annonce qui avait pris de court de nombreux citoyens marocains en déplacement à l’étranger et qui n’ont pas eu l’autorisation de retourner au Maroc. Ne pouvant toujours pas rentrer chez eux et étant toujours coincés à l’étranger, ils vivent un véritable calvaire. Le royaume chérifien refuse également de les rapatrier.

Des citoyens marocains désespérément bloqués à l’étranger

Depuis le 14 mars dernier, le Maroc a fermé ses frontières afin de lutter au mieux contre la pandémie de Covid-19. Si les touristes séjournant au Maroc ont pu retourner chez eux grâce à des vols spéciaux, nombreux sont les citoyens marocains qui n’ont pas eu l’autorisation de rentrer chez eux. Ils sont aujourd’hui toujours bloqués à l’étranger et tentent désespérément d’interpeller les autorités du pays par tous les moyens en les implorant de pouvoir rentrer chez eux.

Faut-il entamer une grève de la faim pour qu’enfin ils se soucient de nous ? On veut rentrer chez nous”, a notamment martelé un citoyen manifestant, son passeport à la main, devant le consulat du Maroc à Istanbul. Des phrases poignantes également entendues dans d’autres pays d’Europe le lundi 11 mai dernier. Des dizaines de Marocains se sont réunis devant leur consulat à Paris, Bruxelles, Algésiras ou encore Amsterdam afin de prier leur royaume de rapatrier les 28 789 Marocains coincés à l’étranger.

Leurs vidéos, pétitions, campagnes sur les réseaux sociaux ou encore leurs lettres adressées au roi n’ont néanmoins toujours pas porté leurs fruits. Le royaume s’est donné pour objectif de limiter avant tout les risques de contagion du virus. “Dès que la décision d’ouvrir les frontières sera prise, ils rentreront”, a annoncé Saadeddine El Othmani, chef du gouvernement, le 7 mai dernier.

Des mesures d’accompagnement

Des milliers de Marocains se retrouvent donc dans une situation de plus en plus critique. Parmi eux, Nadine Benkirane, par exemple, n’a plus aucun espoir. « Ma fille nécessite un suivi médical lourd qui avait débuté au Maroc. Il est difficile de tout recommencer à zéro ici. Ça me tue de laisser ma fille s’enfoncer sans pouvoir rien faire. »

Face à cette situation, les services consulaires marocains ont alors créé 155 cellules d’accompagnants à travers le monde afin de les aider. Environ 6 000 citoyens ont été pris en charge. “Nous travaillons sept jours sur sept afin d’accompagner nos concitoyens au cas par cas, quel qu’en soit le coût. Nous avons pris en charge la restauration, les frais médicaux et surtout l’hébergement, ce qui est un exploit alors que la plupart des hôtels sont fermés. Nous avons même assuré un suivi psychologique pour les cas sensibles”, a rapporté Mohamed Basri, directeur des affaires consulaires et sociales au ministère des Affaires étrangères, à Rabat.

Néanmoins, ces services ont rapidement été surchargés et gérer toutes les demandes est devenu bien complexe. Cela est notamment le cas d’une Marocaine de 52 ans bloquée à Strasbourg et qui nécessite des séances de chimiothérapie : “Ma mère a déjà raté deux séances, c’est très grave. Jusqu’à présent, le consulat m’a demandé de m’adresse à mon assurance au Maroc, avant d’accepter enfin la prise en charge il y a quelques jours”, a expliqué Abdellah Ismaili Alaoui, son fils.

Certains consulats restent injoignables. Plusieurs personnes malades et âgées sont toujours livrées à elles-mêmes”, a par ailleurs rapporté le bureau parisien de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

Nous nous sentons humiliés lorsque nous voyons les autres pays rapatrier leurs citoyens”

Nous sommes physiquement détruits. Nous nous sentons humiliés lorsque nous voyons les autres pays rapatrier leurs citoyens, y compris depuis le Maroc. Pourquoi ce silence de mort ?”, a déclaré Badr Bentoumi, ingénieur de 38 ans étant bloqué seul en Pologne.

Le silence interminable du royaume est le plus compliqué pour ces citoyens marocains. “Ces gens ont l’impression qu’ils ne rentreront jamais dans leur pays. C’est le problème depuis le début : il n’y a pas de visibilité. L’État se doit de fixer une date de retour, quitte à revenir dessus si les conditions sanitaires ne le permettent pas. J’ai l’impression qu’ils ont peur d’annoncer une date qu’ils ne pourront pas tenir. C’est lié à la relation de confiance entre l’État et les citoyens au Maroc”, a insisté Omar Balafrej, député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD).

Le système de santé défaillant du pays est particulièrement la cause de ce silence. Le nombre de médecins est trop peu important par rapport aux 36,5 millions d’habitants et les infrastructures médicales sont insuffisantes. Le Maroc ne compte que 1642 lits en réanimation. Un état d’urgence sanitaire drastique a été établi dès le début de la pandémie. « Cela nous a permis d’éviter des dizaines de milliers de morts. Mais cela dévoile aussi l’état pitoyable de notre santé publique, délaissée et méprisée par tous les gouvernements depuis vingt ans », a ajouté Omar Balafrej.

Le ministère des Affaires étrangères a tout de même promis des réponses d’ici le 20 mai prochain, lorsque l’état d’urgence devrait prendre fin. “Le Maroc n’a jamais abandonné ses fils et ses filles”, répètent pourtant les diplomates marocains.

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