Une équipe de chercheurs a mis au jour en Tasmanie des fossiles datant de 53 millions d’années, révélant les vestiges d’une forêt tropicale luxuriante qui prospérait autrefois près du pôle Sud. Cette découverte éclaire les conditions climatiques d’une époque où des forêts tropicales couvraient une grande partie de l’Antarctique et d’autres terres de l’hémisphère sud. Les résultats de cette découverte ont été publiés dans l’American Journal of Botany.
Les forêts tropicales du pôle Sud
Il y a environ 50 millions d’années, une immense forêt tropicale recouvrait l’Antarctique, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la pointe sud de l’Amérique du Sud. À cette époque, le climat mondial était bien plus chaud qu’aujourd’hui, permettant à ces forêts de prospérer même à proximité du pôle Sud. Récemment, des chercheurs ont découvert en Tasmanie une série de fossiles qui dévoilent des informations sur les plantes qui peuplaient ces forêts et sur la manière dont elles se sont adaptées à la vie dans un environnement polaire.
Les fouilles, effectuées dans l’ouest de la Tasmanie, ont révélé des restes de végétation fossilisée, incluant deux nouvelles espèces de conifères jusque-là inconnues. Ces arbres faisaient partie d’une forêt qui existait il y a 53 millions d’années et qui couvrait une large bande terrestre autour du pôle Sud. Selon l’étude, la forêt prospérait durant l’Éocène, une époque qui s’étend de 56 à 33,9 millions d’années, marquée par des températures globales moyennes de 27 degrés Celsius. Durant cette période, les continents de l’hémisphère sud étaient encore reliés les uns aux autres, formant une vaste masse terrestre près du pôle.
Selon Miriam Slodownik, paléobotaniste et auteure principale de l’étude, cette découverte est unique car elle permet d’examiner une période où la planète était bien plus chaude qu’aujourd’hui. « À cette époque, la Tasmanie était plus proche du pôle Sud, mais les températures mondiales élevées permettaient à des forêts tropicales de s’étendre jusqu’aux régions polaires », explique-t-elle.
Des plantes polaires et la migration continentale
L’optimum climatique de l’Éocène précoce, survenu entre 53 et 49 millions d’années, a été une période de réchauffement intense, juste avant la séparation de l’Australie et de l’Antarctique, qui s’est produite il y a environ 45 à 35 millions d’années. Les fossiles découverts près de Macquarie Harbor, en Tasmanie, montrent que de nombreuses plantes qui constituaient la végétation polaire ont migré vers le nord lorsque les continents se sont dissociés. Cette migration aurait contribué à l’émergence des forêts tropicales humides qui existent encore aujourd’hui en Australie et en Amérique du Sud.
Les chercheurs ont analysé plus de 400 fossiles végétaux en laboratoire, utilisant des microscopes sophistiqués et des techniques de photographie aux ultraviolets pour examiner les structures des feuilles et des cellules. Grâce à ces méthodes, ils ont identifié 12 espèces végétales distinctes, dont la plupart sont des ancêtres directs des plantes modernes qui peuplent encore l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Amérique du Sud.
Une prédominance de conifères
Parmi les 12 espèces végétales identifiées, neuf étaient des conifères. Ces derniers étaient des parents proches des pins kauri (Agathis), des bunya (Araucaria bidwillii) et des pins de Wollemi (Wollemia nobilis), des espèces emblématiques de l’Australie. Selon Miriam Slodownik, ces fossiles offrent des indices sur l’évolution de ces arbres et leur adaptation à des environnements polaires.
En plus des conifères, les chercheurs ont découvert des fougères, des cycas et deux nouvelles espèces d’arbres éteintes, baptisées Podocarpus paralungatikensis et Araucaria timkarikensis. Ces noms rendent hommage à la culture aborigène de Tasmanie : « Paralungatik » était l’ancien nom de Macquarie Harbor, tandis que « Timkarik » désigne la région environnante dans la langue autochtone.
Les analyses menées sur ces fossiles montrent comment les plantes ont su s’adapter à l’environnement polaire, marqué par des variations extrêmes de luminosité au fil des saisons. Il y a 53 millions d’années, comme aujourd’hui, cette région connaissait des étés très lumineux et des hivers plongés dans l’obscurité. Les plantes de cette forêt ont développé des stratégies pour survivre dans ces conditions. Par exemple, elles avaient de grandes feuilles pour absorber le maximum de lumière durant les mois d’été, tandis que certaines espèces développaient des feuilles caduques pour économiser leurs ressources en hiver.
Miriam Slodownik explique que ces adaptations ont permis aux plantes de prospérer dans un environnement polaire, même durant une période où la planète était chaude et sans glace. Par ailleurs, les vestiges d’une forêt fossile vieille de 22 millions d’années ont été découverts dans le canal de Panama.