Effarés devant l’ampleur grandissante des fake news, des chercheurs du MIT se sont interrogés sur la vitesse de propagation de ces « fausses informations » qui polluent les réseaux sociaux. Concrètement : est-ce qu’elles voyagent plus vite que les informations véridiques ? Oui, et à un rythme alarmant…

 

11 années de fake news scrutées à la loupe

Une poignée de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology s’est penchée sur la façon – et la vitesse – dont les fake news voyageaient sur le net, et plus particulièrement sur le réseau social Twitter. Sur la période 2006 – 2017, les scientifiques ont passé au crible près de 126 000 rumeurs relayées par quelque 3 millions d’internautes. Les rumeurs analysées étaient aussi diverses que variées, tantôt bidonnées, tantôt avérées ; certaines mélangeant même fiction et réalité ! La dissociation d’une fake news d’une info véridique étant une tâche relativement périlleuse, les chercheurs ont préféré – pour éviter tout biais idéologique – se reposer sur les travaux de 6 organismes spécialisés dans le fact-checking : Snoopes, Politicalfact, Factcheck, Truthorfiction, Hoax-Slayer et ThoughtCo.

« Alors que la vérité se diffuse en moyenne auprès d’un millier de personnes, les premières cascades de retweets des informations erronées (soit 1 % à peine de l’ensemble des retweets que fera une information erronée) sont couramment diffusés auprès de 1 000 à 100 000 personnes »

 

Rapport d’étude

Les conclusions des experts ont été publiées dans la revue Science le 9 mars 2018 et elles sont consternantes : les fake news ont 70 % de chances en plus d’être partagées que les informations véridiques. Non contentes d’être plus séduisantes et plus sensationnelles que les informations « classiques », « les fake news touchent un nombre considérablement plus important de personnes. ». Pour peu que vous fréquentiez Facebook et Twitter, vous avez déjà dû voir passer des informations de toutes sortes, depuis les articles fantaisistes et parodiques du Gorafi jusqu’aux pamphlets de « réinformation » de sites plus engagés. Si l’engouement des réseaux sociaux pour les fake news n’est une nouvelle pour personne,  les chercheurs ont découvert que les infos en lien avec la politique demeuraient les plus partagées, loin devant les légendes urbaines, la science (la terre serait plate…) ou le terrorisme.

Fake News : l’attrait de la nouveauté 

Le constat des chercheurs est amer et sans appel : « La vérité met environ 6 fois plus de temps à toucher un total de 1 500 personnes, et environ 20 fois plus de temps à déclencher une cascade d’au moins 10 retweets ». Et contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les « bots » – des comptes Twitter gérés par des logiciels et non des utilisateurs humains – qui participent à la propagation des fake news, mais bel et bien les internautes. Pour illustrer cet état de fait, les chercheurs du MIT ont exclu de l’étude les retweets générés automatiquement. Résultat : les machines ne privilégient pas plus les fake news que les infos véridiques.

« Notre attention est plus attirée par ce qui est nouveau, car la nouveauté « met à jour » notre compréhension du monde. La nouveauté a de ce fait une « valeur » plus importante d’un point de vue social. »

 

Rapport d’étude

Mais comment expliquer cette fascination des internautes pour les infos fabriquées de toutes pièces ? Les chercheurs se sont penchés sur la question en analysant sémantiquement les commentaires des utilisateurs de Twitter postés sur les publications de fake news. Ils ont découvert que la surprise était un élément fondamental dans la chaîne du partage, et que la peur et le dégoût constituaient les émotions les plus sollicitées par ces posts nauséabonds. Des sentiments viscéraux et puissants qui poussent davantage à l’action que la tristesse, la joie ou la confiance – qui sont les trois sentiments le plus souvent plus exprimés dans les commentaires de publications vérifiées. L’Homme étant un être émotionnel, il aura naturellement tendance à privilégier les sensations à la raison…

La grenouille qui voulait devenir boeuf 

Les conclusions de l’étude déconstruisent une autre idée préconçue qui veut que les fake news ne soient partagées que par de grands influenceurs, suivis par des centaines de milliers d’abonnés. Effectivement, les chercheurs se sont aperçus que les premiers relayeurs de fake news étaient de petits utilisateurs dont les comptes Twitter – relativement récents – comptaient très peu d’abonnés. Un moyen de faire parler de soi et de se constituer assez vite une importante communauté de followers, composée d’anti-systèmes, de pro-conspirations, de pro-reptiliens… et de tout un tas d’autres mots composés qui vomissent les médias traditionnels.

« [Les fake news] peuvent conduire à une mauvaise allocation des ressources durant une attaque terroriste ou une catastrophe naturelle, conduire à de mauvais investissement financiers, ou encore biaiser des élections ou des débats de société. »

 

Rapport d’étude

S’il y a bien une chose à garder en tête de l’étude du Massachusetts Institute of Technology, c’est la dangerosité croissante des fake news, qui ont directement participé à l’élection de Donald Trump, déjouant par là-même tous les pronostics des journalistes et des sondeurs. Elles sont d’autant plus à surveiller que la différenciation du vrai et du faux va devenir de plus en plus ardue avec les progrès de l’intelligence artificielle

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