De récentes analyses fossiles suggèrent que certains des dinosaures carnivores les plus redoutables du Jurassique tardif auraient adopté un comportement de charognard, voire recouru au cannibalisme, pour faire face au manque de ressources disponibles.

Une proportion inhabituellement élevée de marques de morsures

Publiés dans la revue PloS One, ces nouveaux travaux menéS par une équipe de paléontologues américains se sont concentrés sur un lot de fossiles de dinosaures ayant vécu à la fin du Jurassique, découverts dans la carrière de Mygatt-Moore, au Colorado. Lors de l’analyse de plus de 2 300 os fossilisés, les chercheurs ont constaté une proportion inhabituellement élevée de marques de morsures. Et il s’est avéré que près de 29 % d’entre elles avaient été infligées par des théropodes, groupe de mastodontes carnivores comptant dans ses rangs le T. rex, qui tenait apparemment plus du sprinter que du marathonien, ainsi que le spinosaure et l’allosaure.

Après avoir mesuré les marques de morsures, l’équipe a conclu qu’au moins deux grands théropodes trouvés sur le site, l’allosaure et le cératosaure, ainsi qu’un spécimen carnivore encore plus massif n’ayant pas encore été identifié, se nourrissaient des carcasses en décomposition. Un comportement vraisemblablement adopté pour pallier le manque de proies au sein de leur environnement.

Selon les paléontologues, il y a environ 150 millions d’années en arrière, la région où les fossiles ont été découverts abritait un vaste réseau de zones marécageuses. Des conditions favorisant une décomposition lente des dépouilles, pouvant être successivement « visitées » par différents charognards et prédateurs au fil des mois. Les derniers arrivés devant généralement se contenter de ronger les os à la recherche des derniers lambeaux de chair.

Des cas probables de cannibalisme chez l’allosaure

S’il s’est avéré que de nombreuses marques de morsures localisées sur les os des spécimens herbivores correspondaient à des parties du corps dont les dinosaures affamés se régalaient généralement (cuisses et organes), ce qui fait sens pour les grands prédateurs, celles trouvées sur les os de théropodes étaient quant à elles localisées dans des régions plus improbables (colonne vertébrale et orteils). Ce qui suggère que la plupart de ces mastodontes ne se chassaient pas mutuellement, mais n’hésitaient pas à consommer les restes de leurs semblables.

Cependant, l’équipe a également identifié des traces de morsures d’allosaure sur différents os appartenant à cette même espèce, ce qui pourrait constituer la première preuve de cannibalisme chez cette dernière. « Les gros théropodes comme l’allosaure n’étaient probablement pas des consommateurs exigeants, en particulier si les ressources se faisaient rares dans leur environnement », souligne Stephanie Drumheller, paléontologue à l’université du Tennessee. « L’adoption d’un comportement de charognard, voire le recours au cannibalisme, étaient sans doute des tendances répandues. »

D’autres raisons pourraient également expliquer ces marques de morsures, avec des créatures en compétition obligées de se battre pour leur nourriture, comportement notamment observé chez différents crocodiliens modernes présentant des marques de morsures au niveau du crane, de la queue et des membres. Toutefois, l’équipe souligne que certaines des entailles observées sur les fossiles se trouvaient à des endroits « ne pouvant être raisonnablement atteints » qu’après la mort ou le démembrement de l’animal.

— Daniel Eskridge / Shutterstock.com
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