— Alexandros Michailidis/Shutterstok.com

Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, a déposé une proposition de loi visant à interdire la diffusion d’images de forces de l’ordre en mission. Une proposition visant à protéger les policiers d’éventuels appels au lynchage qu’on peut trouver sur les réseaux sociaux, mais qui peut avoir pour conséquences de sérieuses atteintes à la liberté d’informer.

Plusieurs propositions visant à interdire les images de policiers en fonction avaient déjà été établies

Éric Ciotti, connu pour ses positions sécuritaires, a émis une autre proposition en souhaitant interdire la diffusion d’images de policiers en exercice. C’est David Dufresne, journaliste spécialisé dans les questions de libertés publiques de police, qui a révélé cette affaire. Sur Twitter, il a révélé le 27 mai la volonté du député Ciotti d’interdire la diffusion d’images montrant des policiers dans l’exercice de leurs fonctions :

https://twitter.com/davduf/status/1265631743186534401

La proposition de loi prévoit 15 000 € d’amende et un an d’emprisonnement pour tout individu ayant diffusé, « par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support », « l’image des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de policiers municipaux ou d’agents des douanes ». Cette proposition, co-signée par 3 autres députés Les Républicains (LR, droite), s’inspire d’un amendement déposé en 2019 par Jean-Pierre Grand dans le cadre de la proposition de loi contre la haine en ligne, comme le rappelle NextInpact.

Éric Ciotti justifie ce texte par le fait que les forces de l’ordre « interviennent de plus en plus fréquemment dans un contexte de tensions importantes » et que la pratique du « policier bashing » se développe de plus en plus, ce qui est « inacceptable ». Le député fait ici référence au « policier bashing », pratique visant à filmer des policiers en exercice, et parfois à diffuser leurs noms, adresses et appeler à leur lynchage. Selon lui, des applications comme « Urgence violences policières » ont, selon lui, pour effet « de stigmatiser les forces de l’ordre, mais aussi de faire circuler, notamment sur les réseaux sociaux, des informations souvent erronées sur celles‑ci ».

Une telle proposition n’est pas nouvelle. En février, 20 Minutes révélait que la police nationale réfléchissait à une disposition visant à flouter le visage des policiers en exercice. Toutefois, Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, affirmait qu’aucune étude n’était en cours au ministère sur le sujet. En 2019, comme le rappelait Libération, l’amendement du député LR Jean-Pierre Grand visait à modifier la loi de 1881 en y ajoutant : « Lorsqu’elle est réalisée sans l’accord de l’intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou d’agents des douanes est punie de 15 000 euros d’amende. »

Selon le SNJ, diffuser les images des forces de l’ordre fait partie du devoir d’informer

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) affirme dans un communiqué que « filmer, photographier, enregistrer les forces de l’ordre dans l’exercice de leur métier est un droit et doit le rester… Il en va de la liberté de la presse et, plus largement, du droit d’informer et d’être informé-e… Sans ces vidéos, la réalité des violences policières serait niée dans son existence même… »

Quelques unités spécifiques bénéficient d’un droit à la protection de leur identité, comme le RAID, le GIGN, la BRI, la DGSI notamment, mais pas les unités classiques, comme le rappelle la Ligue des droits de l’homme. Concernant le terme de « violences policières », le ministère de l’Intérieur, tout comme le président de la République, réfute son idée même.

Pour Stéphane Ragonneau, secrétaire régional du syndicat Alliance Police nationale pour la Bourgogne-Franche-Comté, les journalistes ne sont pas la cible de cette proposition de loi. Il explique à France 3 : « Les journalistes demandent toujours pour filmer ou floutent les images. Nous, ce qui nous énerve et nous inquiète, ce sont les réseaux sociaux. Nous sommes livrés à la vindicte populaire par certains sites. En plus, les vidéos publiées sont souvent tronquées, le site ne publie que le petit bout qui les intéresse… En province, dans des petites villes comme Dijon ou Besançon, on est connu, on est repéré. Nous ne voulons pas interdire les images. Moi aussi, je tiens à la liberté de la presse. Mais je voudrais que les images soient floutées, pour qu’on ne nous reconnaisse pas. »

Comme la rappelle Numerama, les forces de l’ordre bénéficient d’un droit à l’image lorsqu’elles ne sont pas en service, selon l’article 226-1 du Code pénal. Dans ce cas, elles sont dans le même cas de figure que n’importe quel citoyen, et les atteintes volontaires de l’intimité de la vie privée sont punies de 45 000 € d’amende et un an de prison.

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EPONINE
EPONINE
3 années

Le visage des délinquants et des criminels est TOUJOURS flouté (le plus souvent on devrait aussi leur flouter les mains, qui renseignent par trop sur leur origine), pourtant ils ne risquent rien de leurs victimes et moins encore de la « justice ». Pourquoi celui des policiers, qui risquent leur intégrité physique,… Lire la suite »

Yliad
Yliad
3 années

Alors mon cher Swapof, que faites vous du droit de vivre tout simplement de nos policiers et leur familles? Aimeriez vous qu’on vous traîne dans la boue et qu’on menace vos enfants en affichant votre visage et votre adresse lorsque vous participez à un événement publique? Quel est de plus… Lire la suite »