Dans la nature, certaines espèces développent des particularités des plus étonnantes pour se défendre, à l’image de la “chenille licorne”. La larve stocke ses anciens crânes, du plus récent au plus ancien, sur sa tête. D’après une étude, cette collection invraisemblable est en fait destinée à faire fuir les prédateurs.
Afin de se transformer en papillon, les chenilles doivent manger abondamment : elles ingurgitent le plus de nourriture possible. Limitées par leur exosquelette rigide et incapable de s’élargir, les larves muent pour pouvoir développer un corps assez conséquent avant la conception de leur cocon. Dans la majorité des cas, les spécimens se débarrassent ou mangent leur précédente “peau”. La chenille du papillon de nuit Uraba lugens s’en sert d’une tout autre façon.
Une chenille en train de muer via Shutterstock
Cette espèce évolue en Australie et mesure environ 2 centimètres de long. Sa nourriture favorite ? Les feuilles d’eucalyptus qu’elle dévore allègrement. Mais ce qui intrigue la communauté scientifique, c’est l’étrange chapeau qu’arbore la chenille. Ce curieux ornement est composé de ses anciens crânes, perdus au cours de ses différentes mues (elle en effectue environ 13 au cours de son existence). Celui qui se trouve en haut est le plus ancien, celui qui est tout en bas, le plus récent.
Intriguée par cette particularité, Petah Low, une écologiste comportementale de l’université de Sydney, a étudié la larve en simulant des attaques avec un forceps sur plusieurs spécimens. Elle a tout de suite remarqué qu’ils mettaient leur tête en arrière, comme s’ils essayaient de protéger leur corps vulnérable en utilisant leur “corne”.
La « chenille licorne » :
Dans les années 1980, des chercheurs tentaient de comprendre pourquoi la chenille collectionnait ses crânes, et évoquaient déjà la piste des prédateurs. Petah Low a donc décidé d’approfondir ses recherches en s’intéressant à cette thèse. À six reprises, elle a placé deux chenilles, une avec l’empilement de crânes, l’autre sans, dans une boîte de Pétri. Elle a ensuite introduit une punaise Cermatulus nasalis, prédateur naturel de la larve, dans le petit récipient. Cet insecte possède un rostre, une sorte de bouche en forme d’aiguille, avec lequel il injecte une toxine paralysante dans le corps de sa proie avant d’aspirer ses entrailles.
Dans quatre des six combats, la chenille qui ne possédait pas de corne a succombé au bout de 14 secondes. En revanche, l’autre larve s’est défendue avec acharnement, elle est morte 120 secondes après le début de l’attaque. Plusieurs fois, la punaise a visé les crânes de la chenille, ce qui suggère que cet empilement est un leurre qui embrouille les prédateurs. En outre, la larve s’en servait pour enlever le rostre de la punaise lorsqu’il l’atteignait derrière la tête.
Dans une autre expérience, dont les résultats ont été publiés dans la revue scientifique PeerJ, Petah Low a tenté de reproduire au mieux les conditions dans lesquelles évoluent les chenilles à l’état sauvage. La scientifique a en effet cherché à savoir si le fait que l’espèce vive en groupe dans la nature influait sur son comportement. Elle a ainsi placé 600 chenilles, divisées par groupes, sur des feuilles d’eucalyptus.
Le premier comptait des spécimens sans empilements de crânes, le deuxième incluait des larves en possession de leur corne alors que le troisième groupe était mixte. Au bout de huit jours, une chenille sur six avait survécu. Fait étonnant, les spécimens des deux premiers groupes ont connu le même sort. Mais dans le groupe mixte, les chenilles munies de corne ont survécu deux fois plus que les autres.
La punaise s’attaque aux chenilles lors de l’expérience menée par Petah Low :
Cette étude démontre que l’amas de crânes ne garantit pas la survie de l’espèce, notamment si tous les spécimens en possèdent un. Par contre, Petah Low affirme que la taille de l’empilement joue un rôle primordial : si une chenille en possède un plus grand que celui de ses congénères, elle est plus à même de survivre. Comme quoi, la nature nous réserve encore bien des surprises… Si vous êtes intéressé par les incroyables facultés des animaux, vous pouvez découvrir ces 15 faits intrigants sur les araignées qui prouvent qu’elles sont fascinantes.
Par Mathilde Rochefort, le
Source: IFLscience
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