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Les super-riches achètent des fossiles de T. rex, au détriment de la recherche scientifique

Une situation qui inquiète les chercheurs

Fossile T.rex
Image d’illustration — © James St. John / Wikimedia Commons

Le Tyrannosaurus rex, emblème incontesté de l’ère des dinosaures, a longtemps suscité fascination et convoitise. Mais aujourd’hui, il n’y a pas que les visiteurs des musées qui s’extasient devant ses os géants, les milliardaires s’en emparent aussi. De plus en plus de fossiles ayant une valeur scientifique se retrouvent dans des collections privées ou commerciales, dépassant désormais ceux conservés dans des musées publics. C’est ce que révèle une récente étude menée par Thomas Carr, paléontologue et professeur agrégé de biologie au Carthage College, dans le Wisconsin. 

Une perte pour la science, un gain pour le marché de luxe

Dans son analyse, publiée dans la revue Palaeontologia Electronica, Thomas Carr met en évidence un déséquilibre inquiétant. Il y a aujourd’hui plus de fossiles de T. rex d’intérêt scientifique détenus par des particuliers ou des entités commerciales que par des musées ou des institutions publiques.

Les fossiles de dinosaures ne sont pas simplement des vestiges d’un passé lointain, ils sont devenus des objets de prestige dans les ventes aux enchères les plus luxueuses. Ces spécimens peuvent atteindre des dizaines de millions de dollars, en particulier lorsqu’il s’agit de squelettes presque complets. Ce commerce des fossiles ne concerne pas uniquement le T. rex. D’autres dinosaures, comme les stégosaures, figurent parmi les pièces les plus prisées. Par exemple, un stégosaure s’est vendu pour 44,6 millions de dollars en 2024, bien qu’il soit actuellement prêté au Musée américain d’histoire naturelle de New York

Le pire, c’est que les jeunes spécimens, particulièrement rares et indispensables pour comprendre la croissance de l’animal, sont surreprésentés dans les collections privées. « Les fossiles de jeunes T. rex sont rares, et leur disparition dans des collections privées est une perte scientifique majeure », a déclaré Carr. « Cela compromet notre compréhension des premières phases de développement de cette espèce, un élément essentiel de sa biologie. »

Des données scientifiques diluées dans le privé

Dans son étude, Carr a recensé les fossiles de T. rex accessibles à la recherche scientifique. Il s’est concentré sur les spécimens « scientifiquement informatifs », tels que les crânes, les squelettes et les os isolés utiles à l’étude du développement et de la variation de l’espèce. 

Après avoir consulté des archives de musées, des articles de presse, des registres de ventes aux enchères et d’autres sources, il a recensé 61 fossiles dans des collections publiques et 71 dans des collections privées, dont 14 appartenant à des jeunes. Cependant, Carr estime que ces chiffres sont probablement sous-estimés, en raison du caractère opaque du marché privé et de la découverte continue de nouveaux fossiles.

Bien que certains fossiles issus du commerce privé finissent dans des musées, soit par achat, soit par prêt, cela reste rare. Carr a constaté que seulement 11 % des fossiles commercialisés sont accessibles dans des institutions publiques. De plus, les entreprises privées découvrent aujourd’hui deux fois plus de fossiles de T. rex que les musées.

Des réactions partagées parmi les chercheurs

L’étude de Carr a rapidement suscité des réactions dans la communauté paléontologique. Thomas Holtz Jr., expert en dinosaures à l’université du Maryland, partage l’inquiétude de son confrère. Pour lui, il est « décourageant » de voir autant de spécimens essentiels soustraits à la science, en particulier ceux qui pourraient éclairer les étapes de croissance du T. rex.

D’autres voix, comme celle de David Hone, zoologiste à l’université Queen Mary de Londres, se montrent plus nuancées. Hone reconnaît que davantage de fossiles dans les collections publiques serait souhaitable, mais il estime qu’il existe encore suffisamment de spécimens accessibles pour mener des études de qualité. Il se dit plus préoccupé par le trafic illégal de fossiles provenant de pays comme le Brésil ou la Mongolie, où des pièces uniques sont extraites sans autorisation et exportées clandestinement.

Le cas du T. rex est emblématique, mais il est loin d’être isolé. Carr espère que son travail servira de déclencheur pour inciter d’autres chercheurs à s’intéresser à l’impact du marché commercial sur d’autres espèces fossiles. Il appelle ses collègues à faire l’inventaire des spécimens scientifiques « perdus » au profit des collectionneurs et à publier leurs propres observations. Cette démarche, selon lui, pourrait faire évoluer les mentalités et, peut-être, influencer les politiques de régulation du commerce des fossiles. Par ailleurs, les émissions de CO2 des jets privés des super-riches ont explosé ces dernières années.

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: Live Science

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