Lundi 22 janvier 2018, l’ONG Oxfam publiait un rapport accablant sur le fossé abyssal qui séparait les plus grandes fortunes mondiales des populations les plus pauvres. Résultat : 0,000 000 5 % de la population mondiale possède autant que les 50 % les plus pauvres. Une criante injustice soulevée par le rapport détonnant d’Oxfam qui – le hasard faisant bien les choses – coïncide étrangement avec la tenue du Forum économique mondial de Davos…

 

Épidémie de milliardaires

Le rapport 2018 d’Oxfam fourmille d’informations chocs et sidérantes, notamment la vitesse effrénée à laquelle les milliardaires sortent de terre : il en a poussé 1 tous les 2 jours ces 12 derniers mois, alors que 50 % de la population mondiale n’a pas bénéficié de la moindre augmentation de richesse. Les 182 milliardaires apparus cette année-là rejoignent le club très fermé des 1 % les plus aisés de la planète, bénéficiaires de 82 % de la richesse globale générée en 2017.

« La concentration d’une extrême richesse au sommet n’est pas le signe d’une économie stimulée, mais le symptôme d’un système qui profite de millions de travailleurs payés une misère à faire pousser notre nourriture et fabriquer nos vêtements.

 

Mark Goldring, 

Oxfam Grande-Bretagne

Le formidable enrichissement des super-fortunes mondiales s’explique notamment par le boom mondial des marchés boursiers, la plupart de ces élites multipliant leur patrimoine au moyen d’actifs financiers. Jeff Bezos ne déroge pas à la règle. Le fondateur et PDG d’Amazon a vu sa fortune personnelle grimper de 6 milliards de dollars les 10 premiers jours de 2017 grâce à la hausse du marché de Wallstreet, faisant de lui l’homme le plus riche du monde. À chacun sa définition d’un bon début d’année…

 

La crise ? Quelle crise ? 

Oxfam s’insurge : il est « inacceptable et insupportable » qu’une si petite minorité puisse accumuler autant de richesses quand des centaines de millions de gens se battent quotidiennement contre la précarité. L’organisation non-gouvernementale attend de ces puissants dirigeants qu’ils abandonnent enfin les discours rhétoriques conventionnels pour les actes concrets, en luttant efficacement contre l’évasion fiscale et en augmentant les salaires. Les revendications d’Oxfam risquent d’être cantonnées au rang de vaines espérances au vu du rapport publié en marge du Forum économique mondial 

Nous y apprenons que la fortune des milliardaires s’est en moyenne accrue de 13 % par an entre 2006 et 2015. Une jolie cagnotte de 762 milliards de dollars qui, à elle seule, aurait permis d’éradiquer 7 fois l’extrême pauvreté qui ronge l’humanité. Choquant ? En 2009, alors que le monde sombrait dans la tourmente financière, 380 personnes détenaient autant que la moitié la plus pauvre du globe. Six années de crise économique plus tard, ils étaient 61. Choquant ? Sur les 2 043 milliardaires répartis aux quatre coins du globe, seuls 10 % sont des femmes. Choquant ?

 

« Ton univers impitoyable »

Mark Goldring, chef exécutif d’Oxfam, pense qu’il est temps de repenser une économie globale dynamitée par la dégradation des droits des travailleurs, l’influence grandissante des entreprises sur les politiques, et cette dévorante obsession de réduire à tout prix les coûts pour maximiser les retours sur investissement. Un souhait partagé par de nombreux citoyens, comme le prouve ce sondage Oxfam conduit sur 70 000 personnes de 10 pays différents : 2 tiers des sondés attendent de leur gouvernement respectif qu’il s’attaque au fossé grandissant entre les riches et les pauvres. Une chasse à l’égalité qui n’est pas du goût des ultra-libéraux…

« Pour que le travail permette de s’extirper de la pauvreté, nous devons nous assurer que les employés lambda puissent recevoir un salaire décent, des conditions décentes, et que les femmes ne soient plus discriminées. Si cela signifie moins pour les déjà très riches, alors c’est un prix que nous – et eux – devrions payer. »

 

MARK GOLDRING, 

OXFAM GRANDE-BRETAGNE

Mark Littlewood, directeur général à l’Institute of Economic Affairs, tempère les ardeurs de l’ONG : « Oxfam promeut une course par le fond. Les gens les plus riches sont déjà hautement taxés : réduire leur richesse jusqu’à un certain point ne mènera pas à la redistribution mais à la destruction; plus personne n’en profitera. Des salaires minimum plus élevés conduiraient eux aussi à des disparitions d’emplois, portant de fait préjudice à ces mêmes gens qu’Oxfam veut aider. » Traduction : ne changeons rien, tout va bien dans le meilleur des mondes possibles.

À la tête du think-tank libéral le plus important du Royaume-Uni, Mark Littlewood ne voit pas d’un très bon oeil cet élan égalitariste désireux de redistribuer plus équitablement les richesses. Il serait toutefois de bon ton de lui rappeler, en citant le groupe français Archimède, que : « Si les petits ruisseaux font les grandes rivières, les petites mains l’air de rien font les gros salaires. »

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