Alors que les effets du réchauffement climatique se font de plus en plus visibles en Arctique, des analyses menées par les chercheurs de la NASA révèlent que l’extension minimale des glaces de mer y est en chute libre. Une situation anormale qui pourrait perturber en profondeur les courants océaniques.

Le gyre de Beaufort a accumulé 8 000 km3 d’eau douce depuis les années 1990

Le gyre de Beaufort participe à l’équilibre de l’environnement polaire en stockant de l’eau douce à proximité de la surface de l’océan. Ce gigantesque tourbillon d’eau océanique formé d’un ensemble de courants marins va en effet recueillir l’eau provenant de la fonte des glaciers, du ruissellement des rivières et des précipitations qui, en flottant sur l’eau salée, va contribuer à protéger les glaces de mer de la fonte et à réguler le climat. Mais ces dernières années, cette délicate mécanique semble plus que jamais perturbée, comme le montrent ces nouveaux travaux présentés dans la revue Nature Communications, s’appuyant sur douze années de données satellitaires collectées par la NASA.

— Tony Skerl / Shutterstock.com

Normalement, ce système anticyclonique libère sur une période de plusieurs dizaines d’années l’eau douce accumulée dans le nord du Canada et de l’Alaska dans l’océan Atlantique, qui va ensuite l’évacuer progressivement, mais le réchauffement anormalement rapide du climat l’a conduit à équilibrer de façon précaire un afflux massif d’eaux froides et douces. « Depuis les années 1990, le gyre de Beaufort a accumulé près de 8 000 km3 d’eau douce, soit presque le double du volume du lac Michigan », explique le chercheur Tom Armitage. « Si celui-ci venait à libérer cet excès d’eau douce aujourd’hui, cela aurait des répercussions sur le climat, et plus particulièrement celui de l’Europe de l’Ouest », ajoute-t-il.

Le chercheur note également que la baisse de la couverture glacée estivale de l’Arctique a contribué à exposer davantage le gyre de Beaufort à des vents d’ouest plus persistants que par le passé, qui l’ont élargi et l’ont rendu plus rapide et turbulent, ce qui s’est traduit par une augmentation de la quantité d’eau douce accumulée.

Le gyre de Beaufort et la dérive transpolaire constituent les deux principaux courants de l’océan Arctique – © Brn-Bld / Commons Wikimedia

Un équilibre fragile

L’eau douce circulant de l’océan Arctique vers l’Atlantique nord est susceptible de modifier la densité des eaux de surface. Sous l’effet d’un courant important, l’eau de l’Arctique se refroidit et, en raison de sa densité plus élevée, coule au fond de l’océan à mesure qu’elle se rapproche de latitudes plus méridionales. Un phénomène qui contribue à réguler le climat en transportant la chaleur de l’eau chauffée par les tropiques vers les zones plus froides, à la manière d’un tapis roulant. Mais son ralentissement, causé par le déversement brutal dans l’Atlantique de l’excès d’eau douce contenue dans le gyre de Beaufort, pourrait avoir de lourdes conséquences pour la vie marine et les communautés qui en dépendent.

Bien que les scientifiques de l’Agence spatiale américaine notent que la turbulence accrue au sein du gyre de Beaufort a jusqu’à présent contribué à assurer l’équilibre du système anticyclonique, ils estiment qu’elle pourrait potentiellement entraîner une fonte des glaces supplémentaire, en mélangeant couches d’eau froide et douce avec de l’eau salée relativement chaude. Un phénomène susceptible d’engendrer à son tour d’importantes modifications dans la façon dont matières organiques et nutriments sont brassés dans l’océan, et ainsi affecter considérablement la chaîne alimentaire et la faune dans l’Arctique.

Pour les chercheurs américains, ces nouvelles analyses mettent en évidence l’équilibre délicat existant en Arctique entre les courants aériens et les dynamiques océaniques, alors que la banquise ne cesse de reculer sous l’effet du réchauffement climatique.

— FloridaStock / Shutterstock.com
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