Bien qu’on ne puisse sans doute jamais savoir à quoi ressemblait le monde avant l’arrivée des humains, nous avons une petite idée de ce que cela aurait pu être. Cependant, il existe de nombreuses incertitudes à ce sujet, et l’on pense désormais que l’Europe était différente de ce qu’on imaginait avant l’arrivée des humains sur le continent.
Non, l’Europe n’était pas une vaste étendue de forêt vierge avant l’arrivée des humains
Avant que l’Homme ne laisse sa marque sur l’Europe, le continent était une tapisserie sauvage indomptée, regorgeant de mégafaune qui régnait sur de vastes étendues. Selon la croyance populaire, ces étendues de terres étaient essentiellement couvertes de forêts denses. À leur arrivée, les humains auraient abattu les arbres, asséché les marécages et cultivé les landes. Autrement dit, ce sont les humains qui ont créé les paysages variés de prairies, de savanes et de bruyères qui caractérisaient les paysages en Europe avant l’avènement de l’agriculture moderne.
Mais une nouvelle étude réalisée par les chercheurs de l’université d’Aarhus a montré que ce n’était pas vraiment le cas. En effet, selon les résultats de l’étude publiée dans la revue Science Advances, il y avait beaucoup de végétation ouverte et semi-ouverte sur le continent européen avant l’arrivée de l’Homme, et pas seulement des forêts denses. « L’idée selon laquelle le paysage était couvert de forêts denses sur la majeure partie du continent est tout simplement fausse », a déclaré Elena Pearce, auteure principale de l’étude.
« Nos résultats montrent que nous devons réévaluer notre vision de la nature européenne », a-t-elle ajouté. Pour aboutir à leurs conclusions, les chercheurs ont analysé des échantillons de pollen ancien pour identifier quelles plantes poussaient en Europe il y a plus de 100 000 ans, au cours de la dernière période interglaciaire. Les échantillons ont révélé que les plantes qui ne prospèrent pas dans les forêts denses constituaient dans des proportions importantes la végétation ancienne en Europe.
Les animaux peuvent aussi façonner l’environnement
Certes, des arbres constituant des forêts denses ont été identifiés parmi les échantillons, mais il en va de même des arbres de végétations ouvertes et semi-ouvertes. « Les arbres d’ombrage de grande taille comme l’épicéa, le tilleul, le hêtre et le charme seront plus répandus dans les forêts denses. Cependant, les résultats montrent que les noisetiers couvraient souvent de grandes zones des paysages. Le noisetier est un buisson qui ne pousse pas en grande quantité dans les forêts denses », a expliqué Jens-Christian Svenning, coauteur de l’étude.
Les chercheurs ont précisé que ces deux types d’arbres ne pouvaient pas survivre dans le même espace, dans la mesure où les arbres plus grands (ceux qui peuplent les forêts denses) empêchent les arbustes de bénéficier de la lumière du soleil. Autrement dit, ces arbustes ont certainement prospéré dans des environnements qui ne sont pas des forêts denses. Et ces environnements à végétations ouvertes et semi-ouvertes ont sans doute composé 50 % à 75 % du territoire européen.
Les chercheurs ont également expliqué que la végétation était ainsi, probablement en raison des grands mammifères qui y vivaient, notamment des chevaux, des éléphants et des rhinocéros. « Ils ont dû consommer de grandes quantités de biomasses végétales », a expliqué Svenning. Notons que cette découverte est importante, car elle donne de nouveaux indices sur les bienfaits du réensauvagement pour la restauration de la biodiversité. Par ailleurs, la guerre est apparue en Europe un millénaire plus tôt qu’on ne le pensait.