Dans un rapport qui ne devait pas être dévoilé par la presse, mais que Le Parisien s’est procuré, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers dénonce une crise du coronavirus mal gérée ayant eu des conséquences désastreuses. En cause principalement : l’absence d’un véritable coordonateur de la crise, une saturation du Samu qui aurait pu être évitée, le déplacement des malades et leur propre relégation au second plan.

Des pompiers qui regrettent d’avoir été écartés

C’est un rapport choc qui dévoile les mécontentements face à la gestion de la crise sanitaire. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF) a publié un rapport, destiné au ministère de l’Intérieur, et qui n’était pas supposé être dévoilé par la presse. Ce rapport, divulgué par Le Parisien, dévoile le retour d’expérience, ou Retex, acéré des pompiers. En premier chef, ils dénoncent la lourdeur et la rigidité des agences régionales de santé (ARS), structures administratives du ministère de la Santé, ainsi que du Samu.

En premier lieu, le rapport dénonce l’absence d’un coordinateur pour la crise. « Pour être efficace, la gestion d’une crise d’ampleur doit mobiliser un directeur unique, un commandant des opérations unique et des conseillers techniques. » Le rapport déplore que la gestion des pompiers ait été confiée à « des conseillers techniques », conduisant selon eux à un « travail en silo des administrations, un brouillage des décisions stratégiques« . Le rapport reproche au ministère de la Santé d’avoir voulu « faire face seul », en reléguant les pompiers au second plan, alors que ces derniers étaient prêts à intervenir. « Le mot d’ordre des administrations de la santé semblait être : tout sauf les sapeurs-pompiers ! » Et le rapport de poursuivre : « Nous sommes rompus à la gestion de tous les événements. On a fait face à l’H1N1 (virus de la grippe A), à la grippe aviaire, aux accidents industriels, aux attentats… A chaque fois, on s’adapte, et là le mot d’ordre c’était tout sauf les pompiers. Nous avons tendu la main à des administrations qui n’ont pas l’habitude de gérer des situations de crise. Rien dans leur organisation et leur culture ne les prédisposait à assurer ce rôle. »

— Jacky D / Shutterstock.com

De graves problèmes de communication

Le rapport dénonce également les difficultés de communication qui ont eu des conséquences désastreuses. Ainsi, selon lui, « les préfets ont très longtemps été aveugles, aucune descente d’informations n’était faite par les délégués territoriaux des ARS« . Ainsi, toujours selon le rapport, « les préfets ont été relégués au second plan » du fait de l’absence de communication de la part des ARS, ce qui a eu pour conséquence « l’oubli des Ehpad, laissant seules les collectivités territoriales face aux décès en nombre de nos aînés« .

Le 15, numéro du Samu, a, selon le rapport, « montré son vrai visage : celui d’un numéro de renseignement, pas d’un numéro d’urgence ». Déjà, avant la crise du Covid-19, les pompiers dénonçaient le fait que le Samu soit le « numéro unique de santé ». « La décision du gouvernement d’orienter vers le 15 les appels des citoyens connaissant un doute sur leur état de santé a eu pour conséquences immédiates de saturer la réception et la régulation des appels. » Les pompiers ont pu noter que le délai de réponse du Samu parisien était de « 45 minutes », et celui du Samu 95 de « 37 minutes et trente secondes le 11 mars« . Ils comparent la situation française à celle de l’Autriche, qui a mis en place un numéro d’urgence et un non-urgent, ce qui a permis d’avoir des délais de réponse de « 3 minutes et 26 secondes au plus fort de la crise ». Selon la FNSPF, tout ceci a eu des conséquences extrêmement graves : « Des requérants non-Covid en situation d’urgence vitale n’ont jamais eu de réponse et sont morts dans l’indifférence générale. Un vrai scandale ! »

Enfin, le rapport dénonce l’« esbroufe » des transports de malades en TGV, qui étaient selon lui de « pures opérations de communication« . « Etait-il efficace de faire faire des centaines de kilomètres aux victimes alors que, souvent, il y avait de la place dans la clinique d’en face ? »

Les réponses du ministère de la Santé et du Samu

« J’ai l’impression de ne pas avoir vécu la même histoire », affirme Aurélien Rousseau, directeur de l’ARS d’Ile-de-France. « C’est la négation de ce qu’ont été ces quelques jours pendant lesquels on ne savait pas si on tiendrait parce que toutes nos capacités publiques et privées de réanimation étaient saturées. » François Braun, président du syndicat SAMU-Urgences de France (SUdF), qui envisage même de porter plainte pour diffamation, renchérit : « C’est injurieux, ils s’imaginent qu’on fait de la com’ avec les malades ? »

Le ministère de la Santé, de son côté, regrette une publication « en pleine crise » d’un « rapport clairement pas étayé » qui « ne reflète pas les actions » de tous ceux qui ont été mobilisés sur le terrain. Selon le ministère, la communication entre les ARS et les préfectures a été correctement effectuée, et les évacuations de malades ont été mises en place car « fin mars, il ne restait plus qu’un lit de réanimation disponible« .

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