Le métier de professeur séduit de moins en moins d’étudiants. Ce manque de succès et de motivation se ressent surtout dans le cadre des inscriptions aux concours d’entrée dans l’Éducation nationale. En effet, le nombre de candidats aux épreuves de l’Agrégation et du CAPES a diminué de 10 % entre 2019 et 2020.

Une chute inquiétante du nombre d’inscrits aux concours d’enseignement

L’enseignement est une profession de plus en plus à bout de souffle. Les étudiants sont de moins en moins motivés à passer les concours pour devenir professeur. Dans presque toutes les disciplines, les chiffres sont au plus bas depuis l’année 2016, selon un décompte du SNES fourni au Monde. Entre 2019 et 2020, le nombre d’inscriptions a diminué de 10 % concernant les concours pour enseigner dans le second degré. Une baisse qui sème une inquiétude quant à la situation pour l’année 2020 et les années à venir.

Pour certaines matières, cette baisse n’est pas nouvelle. Mais, pour d’autres, cette situation alarmante est une première alors qu’elles parvenaient à se maintenir. En effet, les sciences de la vie et de la Terre (SVT) et les sciences économiques et sociales (SES) sont en péril. Respectivement, le nombre d’inscrits aux concours du CAPES externe de ces matières a baissé de 15 % et de 22 % par rapport à l’année 2019.

« Le phénomène n’est pas nouveau pour l’allemand, une discipline qui perd des élèves dès le secondaire, et les mathématiques, où les étudiants savent qu’ils pourront s’insérer sur le marché du travail dans de meilleures conditions que celles de l’Éducation nationale. Mais si des disciplines jusqu’ici préservées sont touchées, cela devient préoccupant« , estime Patrick Rayou, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université Paris VIII.

— Chinnapong / Shutterstock.com

Une incertitude concernant les chances de réussite

Depuis plusieurs années, la baisse des inscriptions aux concours d’enseignement s’explique par la mise en place d’une nouvelle réforme. En 2008, l’annonce de nouvelles modalités concernant le concours avait engendré une baisse des inscriptions. Puis, en 2019, la nouvelle réforme, qui annonçait que les épreuves se tiendront à la fin du master 2 à partir de la session de 2022, a démotivé les candidats à s’inscrire. Une nouveauté qui pourrait complexifier la projection des étudiants dans l’enseignement avant même que la réforme ne soit mise en vigueur dans deux ans, considèrent les spécialistes.

Cette baisse serait donc liée en partie « à l’empilement de réformes systématiquement détricotées par la majorité suivante, aux programmes surchargés, au sentiment de ne plus parvenir à emmener toute une classe d’âge jusqu’au bac« , précise Patrick Rayou. « Il faut aussi compter sur la rationalité des acteurs qui doivent désormais faire deux années de master sans être certains d’être lauréats du concours. Le coût d’entrée dans le métier devient lourd, parce que l’incertitude est plus grande sans que les chances de réussite soient meilleures« , explique Pierre Périer, chercheur en sciences de l’éducation à l’université Rennes-II.

Par ailleurs, les postes à pourvoir sont moins nombreux qu’avant, ce qui pousse les étudiants à ne pas s’inscrire aux examens. Cela était particulièrement le cas en 2018 et 2019 mais tout de même moins important que cette année. Au contraire, sous François Hollande, il y avait davantage de postes donc plus de candidats aux concours. « Les inscriptions ferment avant l’annonce des postes. Donc, les étudiants se basent sur les chiffres de l’année précédente pour se positionner. En SVT, il y avait 20 % de postes en moins en 2019, et maintenant il y a 15 % d’inscrits en moins« , explique Pierre Claustre, secrétaire général du SNES-FSU chargé de l’entrée dans le métier.

Chute du nombre de candidats aux concours de l’enseignement — Ministère de l’Education nationale

Mieux communiquer sur les métiers de l’enseignement face à une dégradation considérable des salaires

« C’est une baisse sensible, indéniablement« , explique le ministère qui ne s’inquiète pas pour autant de la baisse des inscriptions aux concours pour être professeur de SES ou de SVT qu’il considère comme « trop récente pour être considérée comme une vraie tendance« . Mais il semble complexe d’inverser la situation. En effet, « dans les salles des profs, c’est la sinistrose totale« , s’inquiète Patrick Rayou.

Par ailleurs, il y a plus d’inscrits pour passer l’Agrégation que pour le CAPES. Bien mieux payés, les agrégés peuvent plus facilement enseigner en université ou en classe préparatoire. « Cela nous dit bien qu’il n’y a pas forcément désaffection du métier, mais que les conditions en termes de déroulement de carrière ne sont pas réunies, ce qui fait hésiter les candidats« , explique Pierre Périer.

Afin de résoudre ces baisses d’inscriptions, le ministère souhaite « mieux communiquer sur les métiers de l’enseignement par le biais d’une campagne nationale forte« . Depuis peu, des négociations ont également lieu avec les syndicats qui exigent une revalorisation générale de l’enseignement.

Pour remotiver les étudiants et rendre plus séduisant le métier d’enseignant, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, a annoncé le lundi 13 janvier vouloir consacrer 500 millions d’euros à des hausses de salaires d’ici 2021, en particulier pour les jeunes enseignants du premier degré qui sont les moins bien payés. Il souhaite des « augmentations importantes de salaires dès l’année 2021 » et pallier les effets négatifs de la réforme des retraites sur ce métier. Cette revalorisation pourrait être comprise entre 70 et 90 euros nets par mois, pour ceux débutant leur carrière. Il reste désormais à voir si cette promesse inversera la situation.

Mise à jour le 19/01/2020 : Un lecteur nous a fait remarquer que nous avions inversé les couleurs sur notre graphique et nous avons édité l’article en conséquence. Nous vous présentons nos excuses pour cette erreur.

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Grégory
Grégory
4 années

Cette blague, on te donne 90€ net par mois en plus , sous des condition qui transforment cette promesse en illusion plus qu’en fait ! Et, afin de compenser une perte nette sèche de 600€ par mois à la retraite… Et, depuis qu’ils ont annoncé, à grand coup de média… Lire la suite »

Frantic
Frantic
4 années

La légende bleu/rouge de la courbe candidats/postes est inversée.