En Hongrie, des « chasseurs » sont recrutés par la police pour empêcher les migrants de franchir la frontière. Pour cela, les forces de l’ordre hongroises diffusent des vidéos « promotionnelles » qui mettent en scène des hommes patrouillant à la frontière en hélicoptère, à cheval, en bateau ou accompagnés de chiens… Et ce n’est malheureusement pas de la fiction. Touché par ce phénomène déroutant, Benjamin Cappelletti a réalisé « Je suis une traque » pour la 8e édition du Nikon Film Festival.
Pour visionner et soutenir ce court-métrage, il vous suffit de voter directement sur le site du Festival.
Rencontre avec le réalisateur pour sa première participation au Nikon Film Festival. Interview réalisée par Alyssa Yang pour le Daily Geek Show.
Quel message as-tu voulu faire passer en 2m20sec ?
B.C. : Tous les jours, des hommes et des femmes risquent leur vie pour avoir une vie meilleure ou pour aider leur famille. Qui pourrait les en blâmer ? Pas moi. Je suis petit-fils d’immigré. Mon grand-père est venu vivre en France pour fuir le fascisme italien et il a participé à la reconstruction du pays après la guerre. Le sujet de l’immigration m’est donc très personnel. Ceci étant dit, 2mn20sec pour partager tout cet héritage et parler de notre actualité, ça reste un challenge. Si les premiers retours sur le film sont tous positifs, les gens me demandent souvent quelle est la suite de l’histoire et c’est réjouissant.
Où le tournage a-t-il eu lieu ?
B.C. : Le tournage a eu lieu en banlieue parisienne, dans un coin de forêt privée qui nous a gracieusement été prêté. Une sacrée chance, car à la veille du tournage, nous étions prêts à aller tourner à Vincennes… Plus sérieusement, comme nous avions une arme factice dans le film, nous ne voulions pas prendre de risque. On a dû sécuriser le tournage pour être certains qu’il ne soit pas interrompu.
Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser ce petit format ?
B.C. : Le tournage a duré trois heures et demi environ : nous avons tourné le vendredi 15 décembre 2017 et le temps nous a été plutôt favorable (malgré le froid et une grosse averse sur les trente dernières minutes du tournage). Surtout, l’amplitude de lumière du jour était très limitée (de 11h à 16h maximum). Au final, le temps que nous avons mis pour faire l’aller et retour vers le lieu où a été fait le film était plus long que le tournage lui-même.
Comment as-tu choisi les comédiens ?
B.C. : L’acteur principal qui joue le chasseur s’appelle Patrice Guillain. C’est un ami de longue date et un acteur incroyable. J’ai déjà tourné plusieurs fois avec lui (dont mon premier court-métrage SKAL qui est devenu une série pour l’application Blackpills). Ce fut très naturel pour moi de lui proposer le rôle principal. Aude Forget, qui joue la migrante, m’a été recommandée par un ami directeur de casting. Après avoir vu sa bande démo et discuté avec elle, j’ai été enthousiasmé par son envie de participer au projet. Enfin, Rachid Moura (qui joue le migrant) m’a été recommandé par Patrice Guillain.
À quel genre de réactions t’attends-tu ?
B.C. : Honnêtement, je ne sais pas. J’espère que les gens apprécieront le film pour ce qu’il est ; qu’ils aimeront la qualité de l’interprétation, l’image, le montage, la musique de David Hadjadj Jolibois et le son intégralement fait par Damien Tuffal (aucune prise de son n’a été faite durant le tournage). Pour moi, chaque film mérite d’être vu, parce que c’est avant tout une expérience visuelle, sonore, sensorielle, personnelle. On y voit ce qu’on veut. En tout cas, je suis très fier du résultat. Ce qui est certain, c’est que je me souviens très exactement du moment où j’ai eu l’envie de me lancer dans cette aventure. C’était trois semaines avant le tournage : après avoir vu un reportage qui parlait de ces « garde-frontières » qui, en Hongrie, sont formés, entraînés et surtout armés pour stopper l’arrivée des migrants. J’ai trouvé tout ça tellement dégueulasse que j’ai voulu le dénoncer.
Et que penses-tu de la politique de l’immigration en France et autres pays de l’UE ?
B.C. : C’est scandaleux, une honte. La France ne donne pas l’exemple alors qu’elle se revendique « patrie des droits de l’Homme »*. Le pire, c’est que certains pays de l’Union Européenne forment, entraînent et arment des « chasseurs de migrants » (il faut appeler un chat, un chat) sans que rien ni personne ne les en empêche.
* Quand je cite « la France », je parle uniquement de nos décideurs politiques… je n’inclue pas les associations, les groupes ou les gens qui, tous les jours, luttent pour aider les plus démunis.
Crédits film : Le chasseur : Patrice Guillain / La migrante : Aude Forget / Le migrant : Rachid Moura / Ecrit et réalisé par Benjamin Cappelletti / Image de Benjamin Cappelletti / Etalonnage de Simon Boissonneaux / Mixage et sound design de Damien Tuffal / Musique de David Hadjadj Jolibois / Merci à Sylvie et Yves des « amis du Russelet », Cineregie et Nicolas Benoit.
Par Alyssa Yang, le
Étiquettes: hongrie, migrants, benjamin-cappelletti, chasseurs, Police
Catégories: Actualités, Société