Le scorbut, qui a tué des millions de marins entre le XVIe et le XVIIIe siècle, semble faire son retour dans certaines régions du monde où il avait presque disparu. Bien que liée à une carence en vitamine C et longtemps perçue comme un fléau du passé, elle pourrait aujourd’hui se répandre dans les pays industrialisés en raison de pressions économiques et de l’évolution des habitudes alimentaires. L’étude a été publiée dans BMJ Case Reports.
Le scorbut, une maladie aux conséquences graves mais évitables
Récemment, le cas d’un Australien de 51 ans admis à l’hôpital Sir Charles Gairdner de Perth a rappelé l’existence de cette maladie. L’homme présentait des symptômes graves incluant une éruption cutanée douloureuse s’étendant sur tout le corps, des signes d’anémie et du sang dans les urines. Les examens médicaux n’ont pas révélé de trouble auto-immun ou d’hémorragie interne. C’est après avoir exploré le régime alimentaire du patient que le diagnostic de scorbut a été posé. L’homme vivait dans des conditions précaires, avec un régime majoritairement constitué d’aliments transformés, sans fruits ni légumes, et avait cessé de prendre les suppléments nutritionnels prescrits après une chirurgie de pontage gastrique faute de moyens financiers.
Le scorbut est causé par un déficit en vitamine C, nutriment essentiel pour la cicatrisation, le système immunitaire et la santé osseuse. Un régime dépourvu de vitamine C pendant seulement un mois peut entraîner l’apparition de cette maladie, provoquant fatigue, éruptions cutanées, ecchymoses et douleurs articulaires. Dans les cas graves, le scorbut peut conduire à des infections fatales ou à des hémorragies internes.
Les populations modernes sont moins exposées au scorbut, mais des conditions socio-économiques précaires et une alimentation peu variée favorisent son retour. Par exemple, les aliments riches en vitamine C comme les agrumes, poivrons, brocolis et tomates peuvent être coûteux ou peu accessibles, surtout dans les communautés à faible revenu. Une étude de 2022 a révélé qu’un déficit de 40 à 90 jours en vitamine C suffit à déclencher le scorbut, bien que des symptômes puissent apparaître en seulement 30 jours d’alimentation carencée.
Une « maladie de la Renaissance » en expansion
Alors que le scorbut touchait surtout les marins entre le XVIe et le XVIIIe siècle, il n’a en réalité jamais complètement disparu. Certaines populations, notamment les personnes souffrant d’alcoolisme, de troubles alimentaires, ayant subi une chirurgie bariatrique ou les personnes âgées, restent vulnérables. Cependant, des recherches récentes suggèrent que cette « maladie de la Renaissance » pourrait toucher un public plus large, y compris dans les pays développés où elle semblait appartenir au passé.
En juillet 2024, une étude américaine a rapporté que les cas de scorbut pédiatrique avaient triplé entre 2016 et 2020, affectant principalement des enfants issus de milieux socio-économiques modestes et présentant souvent des problèmes de santé comme l’obésité ou des troubles du spectre autistique.
Une maladie facilement traitable, mais méconnue
La bonne nouvelle est que le scorbut est facilement curable : une supplémentation en vitamine C peut atténuer les symptômes dès 24 heures après le début du traitement. Dans le cas de l’Australien, une dose quotidienne de 1 000 mg de vitamine C, complétée par de la vitamine D3 et de l’acide folique, a permis une amélioration rapide.
Chez les enfants, un traitement de 100 mg d’acide ascorbique trois fois par jour est recommandé pendant une semaine, suivi d’une prise quotidienne jusqu’à la guérison. La réponse est généralement rapide, une seule dose pouvant stopper certains saignements internes et améliorer la santé capillaire en moins de 24 heures, tandis que les symptômes cutanés prennent un peu plus de temps à disparaître.
Les professionnels de santé et le grand public doivent être sensibilisés à cette maladie ancienne mais facilement évitable. Une meilleure connaissance de l’importance de la vitamine C dans l’alimentation quotidienne, particulièrement dans les communautés à risque, permettrait d’éviter le retour de cette affection potentiellement grave. Par ailleurs, l’association de la vitamine C et du jeûne s’avérerait efficace contre certains cancers résistants.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: New Atlas
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