L’utilisation de lasers a permis de refroidir de l’antimatière pour la première fois. Une étape importante qui pourrait permettre de percer certains des secrets de cette substance étrange, et nous permettre de comprendre pourquoi celle-ci n’a pas entraîné l’annihilation de l’Univers peu après le Big Bang.
Ralentir l’antimatière pour mieux l’étudier
Contrairement à l’insaisissable matière noire, l’antimatière est un peu plus tangible pour nous, ayant été isolée, produite et examinée ces dernières années. Pour l’essentiel, il s’agit de matière normale possédant une charge électrique opposée, ce qui signifie que si l’antimatière et la matière entrent en contact, elles s’annihilent mutuellement dans une explosion d’énergie.
Il est donc difficile de la stocker et de la transporter, sans parler de l’étudier. Au cours des dix dernières années, les scientifiques du CERN ont mis au point des conteneurs de plus en plus performants utilisant l’électromagnétisme pour maintenir l’antimatière en suspension dans le vide pendant des périodes plus longues, allant de quelques fractions de seconde à plusieurs minutes, voire plus d’un an.
Cela a permis aux scientifiques d’étudier la matière de diverses manières, notamment son spectre et sa réaction à la gravité. L’objectif principal de ces expériences restant de déterminer si la charge électrique constituait la seule différence entre la matière et l’antimatière. Toutefois, ces recherches se heurtent à un autre problème, outre sa tendance à tout annihiler : la température des antiatomes crée un environnement bruyant, compliquant la prise de mesures précises. Pour cette étude parue dans la revue Nature, les chercheurs du projet ALPHA du CERN ont donc refroidi des atomes d’antihydrogène à l’aide de lasers.
Souvent employée pour la matière ordinaire, cette technique de refroidissement n’avait jamais été utilisée pour l’antimatière. Les atomes (ou antiatomes) absorbent les photons de la lumière laser, les poussant brièvement dans un état de plus haute énergie. Rapidement, ils émettent à nouveau des photons et retombent dans leur état énergétique antérieur. Lorsque ce cycle est répété, on assiste à un ralentissement progressif des atomes.
Une température proche du zéro absolu
Pour cette nouvelle expérience, les chercheurs de la collaboration ALPHA ont utilisé une lumière laser pulsée spécialement conçue pour les atomes d’antihydrogène, avec une fréquence légèrement inférieure à celle requise pour la transition entre les états de plus basse et de plus haute énergie. Après quelques heures de manipulation des atomes, l’équipe a constaté que leur énergie cinétique médiane était tombée à un dixième seulement de son énergie initiale, entrainant leur refroidissement à 0,012 Kelvin, une fraction au-dessus du zéro absolu.
Une fois ce résultat atteint, les chercheurs ont découvert que la raie spectrale de l’antihydrogène refroidi par laser était environ quatre fois plus étroite que d’habitude. Une caractéristique indiquant qu’une telle technique pourrait aider les scientifiques à effectuer des mesures plus précises de l’antimatière, et à déterminer dans quelle mesure elle diffère de la matière ordinaire.
Cela pourrait permettre d’élucider certains des plus grands mystères de la cosmologie, notamment la raison pour laquelle nous sommes encore là. On pense que le Big Bang aurait dû créer des quantités égales de matière et d’antimatière, ce qui aurait impliqué qu’elles s’annulent mutuellement. Le fait que la matière domine l’Univers que nous voyons aujourd’hui indique qu’une différence entre les deux a fait pencher la balance.
Par Yann Contegat, le
Source: New Atlas
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