
Depuis les fresques érotiques antiques jusqu’aux vidéos en ligne d’aujourd’hui, la pornographie a toujours fait partie de l’histoire humaine. Mais ce qui a profondément changé, c’est l’ampleur et la facilité d’accès à ces contenus, en grande partie grâce à la technologie numérique. Si certains y cherchent simplement un moment de plaisir ou un moyen de combattre l’ennui, d’autres s’y réfugient pour échapper à l’anxiété, à la solitude ou à la dépression. Mais quelles sont les répercussions de cette pratique sur le cerveau, les relations amoureuses et sexuelles, notamment chez ceux qui y sont exposés dès leur plus jeune âge, parfois dès 10 ans ?
Des effets durables sur le système de récompense
En quelques clics, n’importe qui peut aujourd’hui visionner des images explicites, et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Une étude de 2018 indique que plus de 90 % des hommes et 60 % des femmes ont consommé de la pornographie dans le mois précédent. Même si le terme « dépendance à la pornographie » n’est pas officiellement reconnu dans les classifications psychiatriques comme le DSM, les recherches accumulées depuis une dizaine d’années pointent vers des effets significatifs sur le cerveau.
Une étude de 2015, utilisant l’imagerie cérébrale, a montré que les hommes consommant régulièrement de la pornographie présentaient une réduction de la matière grise dans une région clé du cerveau : le striatum, impliqué dans la motivation et la prise de décisions. En parallèle, une désensibilisation aux stimuli sexuels a été observée. Autrement dit, plus la consommation est élevée, moins le cerveau réagit aux images sexuelles, poussant certains à rechercher des contenus toujours plus extrêmes.
Cette désensibilisation serait liée à un affaiblissement de la connexion entre le cortex préfrontal (zone impliquée dans le contrôle de soi) et le système de récompense. Ce phénomène favorise l’impulsivité, rendant plus difficile la maîtrise de la consommation, même lorsque celle-ci nuit à la vie quotidienne.
Une autre recherche, menée en 2016, a révélé que près de la moitié des consommateurs s’étaient tournés vers des contenus qu’ils considéraient autrefois comme dérangeants. Cette escalade reflète un besoin d’intensité croissante, une dérive qui peut avoir des conséquences directes sur la vie relationnelle.
Des relations amoureuses mises à mal
Si certains couples affirment que la pornographie stimule leur vie sexuelle ou favorise l’exploration, une majorité d’études soulignent plutôt les risques qu’elle engendre pour l’équilibre conjugal. Parmi ces impacts, on trouve une baisse de satisfaction dans la relation, une diminution de l’engagement, une perte de confiance, une instabilité accrue et des taux plus élevés d’infidélité. Les attentes irréalistes créées par la pornographie peuvent également engendrer des insécurités et un désintérêt pour le partenaire.
Selon une enquête de 2011, les femmes rapportaient fréquemment une diminution des rapports sexuels due à la consommation de pornographie par leur partenaire, tandis que les hommes déclaraient ressentir moins d’excitation envers leur partenaire. En outre, une étude de 2021 s’est penchée sur le lien entre la pornographie et les troubles sexuels chez les jeunes hommes âgés de 18 à 35 ans. Plus de 20 % des participants actifs sexuellement ont signalé des dysfonctionnements érectiles au cours du mois précédent. Ces chiffres sont particulièrement préoccupants chez les 20-29 ans (8 %) et les 30-39 ans (11 %).
Pour les couples confrontés à des difficultés liées à une consommation problématique de pornographie, la communication est essentielle. Aborder ce sujet de manière ouverte peut réduire la honte et favoriser une meilleure compréhension mutuelle. Il est également recommandé de consulter un thérapeute spécialisé dans ces problématiques. Des groupes de soutien par les pairs peuvent également aider à briser l’isolement et à créer un sentiment de communauté.
Une menace pour les jeunes cerveaux
L’impact de la pornographie sur les adolescents est d’autant plus préoccupant que leur cerveau est encore en pleine construction. Avec l’émergence des smartphones et des réseaux sociaux, il n’est plus rare que des enfants soient exposés à du contenu explicite avant même l’adolescence. Selon une enquête de 2022 menée par Common Sense Media, 73 % des jeunes de 13 à 17 ans ont déjà visionné de la pornographie, souvent sans le vouloir. Pire encore, plus de la moitié ont été exposés avant 13 ans, et 15 % dès 10 ans.
L’adolescence étant une période de grande plasticité cérébrale, cette exposition précoce pourrait entraîner des altérations durables dans le développement des émotions, du comportement et de la vision du rapport à l’autre. Certains adolescents exposés précocement montrent davantage de comportements impulsifs, transgressifs, voire agressifs.
Une étude de 2021 menée auprès de 11 000 adolescents européens âgés de 14 à 17 ans a montré que ceux exposés à la pornographie étaient plus enclins à adopter des comportements agressifs ou à enfreindre les règles. Ces constats plaident en faveur d’un accompagnement parental plus attentif et d’une éducation aux médias renforcée. Par ailleurs, les soldats nord-coréens déployés en Ukraine « se gavent » de pornographie, selon un journaliste.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
Étiquettes: cerveau, pornographie
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