Peu de titres peuvent se vanter d’être aussi populaires et cultes que La Guerre éternelle de Joe Haldeman. Un récit de science-fiction militaire dans lequel les soldats humains doivent se battre dans une guerre interstellaire contre les Taurans. Récoltant les trois grands prix de la science-fiction – le Nebula, le Hugo et le Locus – le livre devient un classique presque immédiatement après sa publication. Lumière sur son histoire passionnante.

 

Joe Haldeman, né en juin 1943 à Oklahoma City aux Etats-Unis, passe une enfance ponctuée de déménagements aux quatre coins du pays avant de poursuivre des études d’astronomie avant d’être mobilisé au Vietnam en 1967. A son retour, il devient programmeur, musicien, puis journaliste et enfin libraire. Il écrit déjà mais ne se considère que comme tel qu’à partir de 1970 lorsqu’il y consacre une large portion de son temps. Durant cette période, il enseigne la littérature dans plusieurs universités américaines. Puisant dans son expérience de guerre, il écrit et publie War Year en 1972. Toujours hanté par la le Vietnam, il revient sur le thème avec l’oeuvre qui fera sa carrière, The Forever War, ou La Guerre éternelle en français.

 

 

Au XXIe siècle, l’humanité utilise les trous de ver pour effectuer des sauts interstellaires à la vitesse de la lumière. La planète la plus proche de chaque sortie de trou est gardée comme un point stratégique capital alors que la Terre connaît un problème de surpopulation paralysant. La majorité des gens sont des chômeurs se consacrant à des activités artistiques et la criminalité fut éliminée grâce à un système de correction de personnalité. Pour pallier le problème de surpopulation, le Conseil Eugénique développe le concept de l’homosexualité universelle. Au XXVe siècle, la population est maintenue en dessous d’un milliard d’humains où les enfants sont élevés dans des endroits spéciaux d’où ils ne sortent qu’à douze ans pour devenir un adulte stagiaire. A vingt ans, ils travaillent administrativement pour l’armée et l’élite de chaque année sera sélectionner pour être formée au combat.

 

 

Au XXIIe siècle, tous les humains sont les clones d’une seule et même personne du nom de Larry Kahn. Portant tous les mêmes prénoms, les clones masculins s’appellent tous Homme et les clones féminins Homme -la Femme. De la même façon, l’humanité a abandonné de nombreux concepts et systèmes comme la monnaie, l’économie et de nombreuses structures sociales. Dans ce cadre ambitieux, le roman nous retrace le cheminement ayant amené l’humanité à faire ces choix, en commençant par la vie de William Mandella, un étudiant en physique engagé dans une unité spéciale de l’armée pour participer à une guerre contre les Taurans, des extraterrestres ayant tendance à détruire les vaisseaux et installations humaines mais qui parviennent à échapper à notre vision.

 

 

Le récit nous fait vivre son entrainement et ses différentes missions alors qu’il apprend à mener une guerre d’un nouveau genre et qu’il gravit les échelons au fil des siècles. S’il peut vivre aussi longtemps, c’est grâce aux longues périodes de temps qui s’écoulent lors des phases de voyages interstellaires ou sauts collapsars. Si du début à la fin du roman, le héros et le lecteur peuvent observer l’évolution de l’humanité sur 1146 ans, William, lui, termine l’aventure à environ 32 ans. Sans avoir énormément de liens avec cette oeuvre majeure, Haldeman continuera son nouveau cycle avec La Paix éternelle en 1997 avant de reprendre le cours de la vie de Mandella dans Une guerre à part en 1998 et La Liberté éternelle en 1999.

 

 

Les thèmes militaires sont omniprésents dans l’intégralité de l’oeuvre de l’auteur. Et pour cause, son écriture est avant tout l’exutoire de ses expériences durant la guerre du Vietnam. Grièvement blessé, il est évacué par hélicoptère pour passer cinq mois à l’hôpital alors que ses quatre frères d’armes sont morts durant l’affrontement. De nombreux détails sur la façon de tuer son ennemi et les tactiques militaires sont des reprises presque mot pour mot de ce qu’a appris Haldeman à l’armée. Poussant l’autobiographie dans la fiction, il utilise le nom de sa femme pour celle du héros et ce dernier porte en réalité le nom de l’auteur réarrangé. Haldeman. Man, de, lah. Mandella.

 

 

Au-delà des batailles épiques décrites dans de nombreuses oeuvres de science-fiction, Haldeman met surtout l’accent sur la façon d’utiliser les soldats et la formation de ces derniers par la hiérarchie. Que ce soit dans le domaine psychologique en déformant la réalité et l’image de l’ennemi, en imposant des restrictions sur les différentes libertés humaines ou en liant la valeur de l’homme à ses prouesses militaires, le soldat n’est que le produit de son conditionnement. Son travail est la mort et le coeur n’y a donc pas sa place. Du moins, c’est ce que les soldats doivent comprendre durant leurs formations. Mais les liens entre camarades et frères d’armes va bien au-dessus de cela, et la mort de ces mêmes amis a par conséquent des effets dramatiques sur un homme s’étant habitué à être désensibilisé de tout le reste.

 

Véritable allégorie de la guerre du Vietnam, La Guerre éternelle de Joe Haldeman constitue surtout l’un des piliers de la science-fiction moderne en ayant ouvert la voie à des structures narratives innovantes. Son oeuvre est et restera l’un des monuments du genre qui classe directement Haldeman avec les grands de la science-fiction. A ne louper sous aucun prétexte. Avez-vous déjà lu La Guerre éternelle ?

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