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Les Européens vont-ils devoir apprendre à se passer des réseaux sociaux phares que sont Facebook et Instagram ? C’est en tout cas la menace faite par Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook et PDG de sa maison mère Meta. Mais une telle menace peut-elle être mise à exécution ? Quelles en seraient les répercussions ? On vous explique.

Les données personnelles, éternelle pomme de discorde

Mark Zuckerberg, PDG de Meta, société mère de Facebook, qui détient également le réseau social Instagram, a menacé de retirer ces deux applications du marché européen. Dans son rapport annuel à la SEC – l’autorité des marchés financiers américains – datant du 3 février, il a annoncé qu’il ne pourrait « probablement » plus proposer ces services au marché européen, à cause des lois de protection des données qui s’y appliquent. En effet, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) impose une protection des données beaucoup plus stricte que celle appliquée outre-Atlantique. Or, le traitement des données personnelles représente le fonds de commerce de Meta.

Ce que Meta reproche principalement aux règlements européens, c’est la remise en cause de la circulation des données personnelles aux entreprises américaines. En effet, Facebook ainsi que d’autres entreprises américaines se basent sur des outils juridiques comme le Privacy Shield (en français Bouclier de protection des données UE-États-Unis) pour transférer les données personnelles des utilisateurs européens jusqu’aux États-Unis. Or, ces outils juridiques sont menacés, le Privacy Shield ayant été invalidé en 2020 par la justice européenne. « En outre, les autres bases sur lesquelles Meta s’appuie pour transférer ces données, telles que les clauses contractuelles types (SCC), ont été soumises à un examen réglementaire et judiciaire », peut-on lire dans le document présenté à la SEC.

Selon Meta, si un nouvel accord n’est pas trouvé pour lui permettre d’utiliser le transfert transatlantique de données personnelles, le groupe se retrouverait dans l’incapacité de proposer ses services en Europe.

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Un marché européen très important pour Meta

Meta souhaite donc un nouveau cadre qui fixe les transferts de données entre l’Europe et les États-Unis. Au-delà de la menace de ne plus permettre aux Européens d’utiliser ses services, la firme souhaite mettre en balance le danger que représenterait l’absence de cadres pour le transfert de données, pas seulement pour elle, mais pour d’autres entreprises américaines. « Dans le pire des cas, cela pourrait signifier qu’une petite start-up technologique en Allemagne ne serait plus en mesure d’utiliser un fournisseur de cloud basé aux États-Unis. Une société espagnole de développement de produits ne pourrait plus être en mesure de gérer une opération sur plusieurs fuseaux horaires. Un détaillant français peut découvrir qu’il ne peut plus maintenir un centre d’appels au Maroc. »

L’entreprise va même plus loin en affirmant qu’« un manque de transferts internationaux de données sûrs, sécurisés et légaux nuirait à l’économie et entraverait la croissance des entreprises axées sur les données dans l’UE, au moment même où nous cherchons à nous remettre de Covid-19 ». Selon elle, « l‘impact serait ressenti par les entreprises, grandes et petites, dans de multiples secteurs ».

Mais la menace peut-elle être seulement mise à exécution ? Le marché européen est en effet très important pour Meta. Le groupe a annoncé que l’Europe représentait, pour le dernier trimestre 2021, 8,357 milliards de dollars de chiffre d’affaires, soit près du quart du total réalisé par le groupe. De même, le revenu moyen par utilisateur sur Facebook en Europe se situe à 19,68 dollars, en troisième position derrière les États-Unis et le Canada.

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Une entreprise en perte de vitesse ?

Avec de tels chiffres, on peut donc se permettre de douter que Meta mettra ses menaces à exécution. En effet, le manque à gagner serait trop important pour l’entreprise, d’autant que les utilisateurs ont tendance à s’en détourner. Le groupe s’est effondré en Bourse début février, à cause de la perte d’utilisateurs qu’il connaît. C’est ainsi plus d’un million d’utilisateurs quotidiens qui n’utilisent plus Facebook, Instagram ou encore l’application de messagerie WhatsApp, également détenue par Meta.

Cette menace invite tout de même à questionner notre rapport à ces plateformes. En effet, même si sa mise à exécution semble très improbable, serions-nous prêts à nous en passer ? Le groupe continue de perdre des abonnés, et ceci est probablement dû, entre autres, à l’absence de protection des données personnelles et l’usage opaque qu’il en fait. Cela devrait également, à terme, conduire le groupe à baser son fonds de commerce sur autre chose que l’utilisation des données, et à le diversifier, comme d’autres géants du Web ont su faire.

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