Des chercheurs américains ont mis en évidence un changement radical de la nature et du rôle du sommeil chez les bébés, et montré que celui-ci aidait d’abord à la construction du cerveau et au développement neurologique avant de passer rapidement à un rôle réparateur.

Une transition spectaculaire commune à toutes les espèces analysées

Présentées dans la revue Science Advances, ces découvertes surprenantes sont le fruit de l’analyse de plus de 60 études sur le sommeil humain et animal. Les données ont été recueillies en suivant la durée totale du sommeil et du sommeil paradoxal, ainsi que les changements relatifs au développement du cerveau et à la taille du corps. Un modèle mathématique a ensuite été généré afin d’examiner les associations entre ces deux variables, ainsi que les changements de phase du sommeil.

Les résultats ont montré un déclin remarquablement rapide du sommeil paradoxal chez l’Homme à l’âge de deux ans et demi. Plus surprenant encore, les données étaient cohérentes pour toutes les espèces analysées. Qu’il s’agisse de porcs, de rats ou de lapins, lorsqu’un animal atteint un stade de développement équivalent à celui d’un humain de deux ans et demi, une forte baisse du volume du sommeil paradoxal est détectée.

« Nous avons été surpris de constater l’ampleur de ce changement sur une courte période, et de voir qu’il se produisait de façon si précoce », a estimé Van Savage, co-auteur principal de l’étude. « Il s’agit d’une transition analogue à celle qui se produit lorsque l’eau se transforme en glace. »

— Mallmo / Shutterstock.com

Le reflet d’un changement physiologique ou cérébral critique du développement

En quantifiant cette réduction du sommeil paradoxal, les chercheurs suggèrent que les nouveau-nés passent environ 50 % de leur temps de sommeil total en phase de sommeil paradoxal, contre 15 % pour une personne âgée de 50 ans. Ainsi, les chercheurs émettent l’hypothèse que le but du sommeil chez les bébés se résume principalement au développement du cerveau et la réorganisation neurale. Une idée faisant sens, étant donné que les deux premières années de la vie humaine sont marquées par de profonds changements en matière de croissance structurelle du cerveau.

L’une des principales fonctions du sommeil chez l’adulte est de débarrasser le cerveau des débris toxiques s’accumulant tout au long de la journée, et il s’avère que ce mécanisme se produit principalement pendant le sommeil lent, non paradoxal. Étonnamment, les chercheurs ont constaté une transition spectaculaire, liée à l’âge, entre le sommeil principalement paradoxal et non paradoxal.

« Nous avons déterminé que ce tournant spécifique se produisait à un âge étonnamment précis d’environ 2,4 ans, reflétant un changement physiologique ou cérébral critique du développement », expliquent les chercheurs dans l’étude. « Dans l’ensemble des cas, nous avons observé un changement brusque dans la structure du sommeil au cours de cette période de développement précoce qui, à notre connaissance, n’avait a jamais été lié conceptuellement ou quantitativement à une modification de sa fonction. »

Des travaux soulevant de nouvelles interrogations

L’étude soulève également des questions intéressantes sur la nature du sommeil, notamment en termes de développement précoce du cerveau. Toutefois, des recherches supplémentaires devront étudier spécifiquement cette corrélation entre les schémas d’ondes cérébrales du sommeil et le développement régional du cerveau.

À ce stade, les scientifiques ignorent si des volumes irréguliers de sommeil paradoxal chez les nouveau-nés peuvent être directement liés à un développement cérébral anormal. Par ailleurs, les chercheurs notent que cette transition de phase de sommeil précoce peut se produire à différents moments chez les animaux dont le niveau de développement cérébral est plus élevé avant la naissance.

« Quoi qu’il en soit, mieux vaut ne pas réveiller les bébés pendant le sommeil paradoxal. Un travail important intervient dans leur cerveau pendant qu’ils dorment », estime Gina Poe, co-auteure de l’étude. « Le sommeil est aussi important que la nourriture et il est miraculeux de voir à quel point il correspond aux besoins du système nerveux. Des méduses aux oiseaux en passant par les baleines, tout le monde dort, mais le cerveau lui, ne se repose pas. » Des propos faisant écho à une précédente étude, qui avait révélé que le sommeil nous permettait d’apprendre en permanence.

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