L’histoire de l’esclavage dans les plantations prend un nouveau tournant avec des découvertes archéologiques intrigantes. Une île africaine, São Tomé, se révèle être le berceau de pratiques qui ont façonné des siècles d’exploitation économique. Les chercheurs, plongeant dans les vestiges d’un domaine sucrier du XVIe siècle, éclairent les origines de l’esclavage dans le contexte des plantations.
Origines dans les profondeurs de l’histoire
L’île de São Tomé, située dans le golfe de Guinée au large de la côte ouest de l’Afrique, a été le lieu d’une expérience coloniale inédite à la fin du XVe siècle. La découverte d’une île abondante en ressources, du bois à l’eau douce, a conduit à la culture de la canne à sucre, mais les taux élevés de malaria ont maintenu une aura de danger mortel.
C’est dans ce contexte que les dirigeants portugais ont forcé des groupes variés – condamnés, enfants juifs et Africains réduits en esclavage – à s’installer sur l’île dès 1495, jetant les bases d’une exploitation humaine sans précédent. Contrairement aux plantations sucrières habituelles, São Tomé a développé un modèle unique qui a radicalement façonné l’essor économique.
Les esclaves, originaires en grande partie du Bénin, de la République du Congo, de l’Angola et de la République démocratique du Congo actuels, ont été assignés à des tâches diverses allant de la culture de la canne à sucre à la construction des moulins. Ainsi, l’île de São Tomé a été le premier exemple d’une économie de plantation basée sur la monoculture du sucre et le travail forcé des Africains, un modèle qui sera ensuite reproduit dans le Nouveau Monde, selon les chercheurs dans la nouvelle étude, publiée dans la revue Antiquity.
Un site archéologique exceptionnel
Malgré son importance historique, l’île de São Tomé a été peu étudiée par les archéologues. C’est pourquoi la découverte et la fouille du site de Praia Melão, une ancienne plantation et un moulin à sucre situés sur la côte nord-est de l’île, sont une avancée majeure pour la connaissance de cette période.
Les chercheurs, dirigés par le docteur Dores Cruz, anthropologue historique à l’université de Cologne en Allemagne, en collaboration avec des collègues de l’université de São Tomé e Príncipe (USTP), ont mis au jour les vestiges d’un grand bâtiment en pierre datant du XVIe siècle et utilisé pour la production de sucre. Ils ont également trouvé des fragments de moules en céramique utilisés pour former les pains de sucre, connus en portugais sous le nom de “pão de açúcar ».
Le succès des plantations de São Tomé a été phénoménal, dépassant même celui de Madère dans la fourniture de sucre aux marchés européens. Cependant, l’île n’a pas tardé à rencontrer des défis insurmontables tels que l’humidité excessive et les rébellions d’esclaves. Cette conjoncture a poussé les Portugais à transférer leurs opérations au Brésil au début du XVIIe siècle, emportant avec eux le modèle de plantation. Le moulin à sucre de Praia Melão a été réutilisé ou abandonné au cours des siècles suivants.
Un patrimoine à préserver et à valoriser
Marco Meniketti, un archéologue de l’université d’État de San José en Californie qui n’a pas participé à l’étude, a déclaré que « l’étude des sites de São Tomé est peut-être l’avancée la plus importante depuis des années dans l’étude du lien entre le sucre et l’esclavage, ajoutant de nouveaux détails à un domaine principalement connu par des documents du Brésil et des Antilles datant du XVIIe siècle ».
Mme Cruz espère poursuivre ses recherches à Praia Melão et sur d’autres sites potentiels de l’île. Ils espèrent également protéger et restaurer le bâtiment en pierre, menacé par les fissures, les déformations et la végétation. Pour ce faire, ils comptent sur un soutien financier, ainsi que sur la formation de spécialistes locaux.
L’université de São Tomé e Príncipe (USTP) a lancé un nouveau master en histoire et patrimoine, avec pour objectif de sensibiliser et d’éduquer les habitants de l’île à la conservation et à la valorisation de leur héritage archéologique. En révélant le rôle crucial de l’île dans l’élaboration de modèles économiques et sociaux, les chercheurs ouvrent de nouvelles voies de compréhension sur la trajectoire de l’exploitation humaine et de la prospérité économique.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Live Science
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