
Depuis des décennies, les scientifiques s’interrogent sur le destin de l’eau qui recouvrait autrefois la surface martienne. Bien que Mars soit aujourd’hui un désert glacé et poussiéreux, il fut un temps où ses paysages abritaient des océans profonds, des rivières sinueuses et probablement des lacs. Mais si cette eau a bel et bien existé, où est-elle passée ? Une nouvelle étude, publiée dans la revue National Science Review, propose une réponse intrigante. Menée par une équipe de chercheurs chinois, australiens et italiens, elle suggère l’existence d’un vaste réservoir d’eau liquide situé profondément sous la surface martienne.
Une planète jadis bleue
Il y a environ quatre milliards d’années, Mars ressemblait bien plus à la Terre. Sa surface était recouverte d’une quantité d’eau liquide suffisante pour constituer un océan global d’environ 1 500 mètres de profondeur, que les scientifiques appellent la « couche équivalente globale » (CEG). Cela représente un volume d’eau comparable à celui de l’océan Indien actuel.
Pourtant, avec le temps, la planète a perdu son champ magnétique, ce qui a entraîné l’amincissement de son atmosphère. En conséquence, l’eau en surface s’est évaporée ou s’est échappée dans l’espace.
Selon les données existantes, environ 10 à 200 mètres de CEG se seraient échappés dans l’espace, et 550 mètres auraient été absorbés par la croûte martienne par hydratation minérale. Même en tenant compte des calottes polaires et de la glace souterraine actuelle, estimées entre 20 et 40 mètres de CEG, il manque toujours entre 710 et 920 mètres. Cette « eau disparue » reste à ce jour introuvable, ou du moins, elle l’était jusqu’à cette étude.
Des secousses révélatrices
C’est grâce à l’atterrisseur InSight de la NASA, posé sur Mars depuis 2018, que cette nouvelle piste a été rendue possible. L’appareil est équipé d’un sismomètre capable de détecter les « marsquakes » (tremblements de Mars) ainsi que les ondes sismiques générées par des impacts de météorites.
L’équipe de recherche a analysé ces ondes pour explorer la structure interne de la planète, en s’appuyant sur une technique avancée appelée « fonctions réceptrices ». Cette méthode, comparable à une échographie du sous-sol martien, permet d’estimer la composition des différentes couches traversées par les ondes sismiques. Or, les ondes voyagent plus lentement dans les roches saturées d’eau que dans les roches sèches.
En observant un ralentissement significatif des ondes à une profondeur située entre 5,4 et 8 kilomètres sous la surface, les chercheurs ont identifié une couche potentiellement saturée en eau liquide. À cette profondeur, les températures sont assez élevées pour maintenir l’eau à l’état liquide, même sans pression atmosphérique significative. Les estimations suggèrent que cette couche pourrait contenir entre 520 et 780 mètres de CEG, un chiffre qui correspond presque parfaitement au volume d’eau manquant.
Une oasis martienne pour la vie ?
Si cette réserve souterraine d’eau liquide est confirmée, elle représenterait une avancée dans la quête de la vie extraterrestre. Sur Terre, une grande partie de la biomasse, soit environ 15 %, est constituée de micro-organismes vivant dans les profondeurs de la croûte. Il n’est donc pas irréaliste de penser que des formes de vie similaires pourraient exister sur Mars, protégées des conditions hostiles de la surface.
Comme l’explique le professeur Hrvoje Tkalčić, coauteur de l’étude, « la présence d’eau liquide est l’un des critères fondamentaux pour que la vie telle que nous la connaissons puisse exister ». C’est pourquoi l’identification d’un aquifère profond sur Mars pourrait orienter les futures explorations vers ces zones précises, augmentant les chances de détecter une vie microbienne. En parallèle, la découverte d’eau liquide accessible, même à grande profondeur, constitue un enjeu stratégique pour d’éventuelles missions habitées.
Toutefois, les chercheurs eux-mêmes appellent à la prudence. L’étude repose sur un ensemble de données limité, provenant d’un seul sismomètre situé à un point fixe de la planète. D’autres phénomènes géologiques, comme la présence de couches de sédiments particuliers, pourraient également expliquer le ralentissement des ondes sismiques.
Sur Terre, les sismologues s’appuient sur des dizaines de capteurs répartis à travers le globe pour valider leurs interprétations. Sur Mars, les données disponibles sont bien plus rares et plus difficiles à interpréter. Les auteurs espèrent que de prochaines expéditions robotiques ou humaines, équipées de plusieurs sismomètres ou même de foreuses capables d’atteindre plusieurs kilomètres de profondeur, permettront d’approfondir l’analyse de la croûte martienne. À terme, cela pourrait fournir des preuves directes non seulement de la présence d’eau, mais aussi, peut-être, de la vie.
Par ailleurs, de vastes structures cachées ont été découvertes sous la surface de Mars.