
Récemment, des scientifiques d’un laboratoire de l’Extrême-Orient russe ont disséqué des échantillons du corps d’un bébé mammouth mort il y a environ 130 000 ans. Dans un état de conservation remarquable, il leur offre un aperçu du passé et, potentiellement, de l’avenir, alors que le changement climatique fait fondre le pergélisol dans lequel il a été trouvé. Explications.
Le passé de notre planète
Découverts l’année dernière, les échantillons du corps de ce bébé mammouth sont dans un état de conservation remarquable. Appelé Yana, sa peau a conservé sa couleur gris-brun et ses touffes de poils roux. Sa trompe ridée est courbée et pointe vers sa bouche. Les orbites de ses yeux sont parfaitement reconnaissables et ses pattes robustes ressemblent à celles d’un éléphant moderne.
« Cette autopsie est une opportunité de regarder dans le passé de notre planète », a déclaré Artemy Goncharov, chef du Laboratoire de génomique fonctionnelle et de protéomique des micro-organismes à l’Institut de médecine expérimentale de Saint-Pétersbourg, qui a procédé à l’autopsie au musée du Mammouth de l’université fédérale du Nord-Est, dans la capitale régionale, Iakoutsk.
Yana, a 130,000-year-old baby mammoth, goes under the scalpelhttps://t.co/ynilJT8Bf9 pic.twitter.com/Qz9ilLUKAL
— AFP News Agency (@AFP) April 4, 2025
Un véritable trésor
Mesurant 1,2 mètre au garrot et deux mètres de long, et pesant 180 kilogrammes, Yana pourrait être le spécimen de mammouth le mieux conservé jamais découvert, conservant ses organes internes et ses tissus mous.
En disséquant son corps, les scientifiques ont fait face à un véritable trésor. « Nous pouvons voir que de nombreux organes et tissus sont très bien conservés », a ajouté Artemy Goncharov. « Le tube digestif est en partie préservé, l’estomac est préservé. Il reste des fragments d’intestins, notamment du côlon, ce qui nous permet de prélever des échantillons. Nous recherchons des micro-organismes anciens préservés à l’intérieur du mammouth, afin de pouvoir étudier leur relation évolutive avec les micro-organismes modernes. »
« Nous essayons d’atteindre les organes génitaux », a précisé Artyom Nedoluzhko, directeur du laboratoire de paléogénomique de l’université européenne de Saint-Pétersbourg. « À l’aide d’outils spéciaux, nous souhaitons pénétrer dans son vagin afin de recueillir des éléments permettant de comprendre quel microbiote vivait en elle lorsqu’elle était en vie. »
Le pergélisol
Par ailleurs, les scientifiques ont d’abord estimé que le bébé Yana était décédé il y a environ 50 000 ans. Mais, à présent, après l’analyse de la couche de pergélisol où il reposait, il s’avère que son décès date d’il y a plus de 130 000 ans. « Quant à son âge au moment du décès, il est clair qu’il avait plus d’un an car ses défenses de lait étaient déjà apparues », a détaillé Maxim Cheprasov, directeur du musée du Mammouth.
Le directeur ajoutant : « À l’époque où ce mammifère herbivore mâchait de l’herbe, ici, sur le territoire de la Yakoutie, il n’y avait pas encore d’humains, puisqu’ils sont apparus dans la Sibérie actuelle il y a entre 28 000 et 32 000 ans. Le secret de la préservation exceptionnelle de Yana réside dans le pergélisol : le sol de cette région de Sibérie qui est gelé toute l’année et agit comme un gigantesque congélateur, préservant les carcasses d’animaux préhistoriques. La découverte du corps exposé de Yana est due au dégel du pergélisol provoqué par le réchauffement climatique. »
Artemy Goncharov a à son tour rapporté que l’étude de la microbiologie de ces vestiges anciens explore également les risques biologiques du réchauffement climatique. Certains scientifiques étudient si la fonte du pergélisol pourrait libérer des agents pathogènes potentiellement dangereux. « Il existe certaines hypothèses ou conjectures selon lesquelles des micro-organismes pathogènes pourraient être préservés dans le pergélisol, qui, une fois dégelés, pourraient pénétrer dans l’eau, les plantes, le corps des animaux, et même des humains. »
Par ailleurs, les mammouths laineux ont survécu bien plus longtemps qu’on ne le pensait initialement.