Difficile de résumer un anime qui mélange tant de choses. C’est d’ailleurs tout l’esprit de Cowboy Bebop, où le drame et la comédie se donnent la réplique au rythme de scènes d’action époustouflantes avec du jazz en fond sonore et des visuels de science-fiction incroyables. Le tout servant l’histoire de quelques chasseurs de primes cherchant leur raison de vivre entre les planètes de notre Système solaire en 2071.
Des flashs de couleurs imprévisibles sur un fond en noir et blanc, animé par le son de la batterie jusqu’à révéler le titre Cowboy Bebop. La scène d’ouverture et la chanson Tank! sont une synthèse parfaite de ce qu’est cette série. Le mélange d’un jazz énergétique allié à une animation impeccable et un style ancré dans une époque bien précise. Le bebop est un style de jazz apparu dans les années 40 dont les premières notes sont jouées au Minton’s Playhouse à Harlem, New York. C’est ici que des musiciens se réunissent pour jouer une musique entièrement libre sans se soucier des codes qui régissaient les genres jusque-là.
Ce passage de l’histoire musicale est résumé dans les quelques phrases qui apparaissent alors que la chanson d’ouverture se poursuit. Loin d’être un choix anodin, cette philosophie concernant la musique et la vie représente à la fois les choix artistiques sans retenue de l’équipe de développement, mais aussi ceux des personnages de l’histoire et plus particulièrement du héros. Du côté de la direction artistique, la séquence emprunte le montage du réalisateur Seijun Suzuki dans le film Tokyo Drifter (1966), alors en plein mouvement pop art, ainsi que le style graphique des génériques et des affiches de Saul Bass des années 50 et 60.
Tout ceci n’est qu’une portion de toutes les influences qu’incorpore Shinichiro Watanabe à son chef-d’oeuvre afin de construire une vision futuriste de notre Système solaire où se déroulera le récit. A la fin des années 2010, l’humanité fait ses premiers pas dans la maîtrise de voyages en hyperespace. La première grande étape du projet est de créer un portail permettant de voyager entre les planètes en orbite autour de la Lune. Alors que la construction suit son cours, un accident terrible survient en 2021, détruisant le portail alors instable qui explose la moitié de la Lune.
Le résultat est catastrophique : des millions de débris lunaires tombent sur la Terre, dévastant toutes les constructions humaines et tuant près de 5 milliards de personnes. L’humanité se relève tant bien que mal et comprend que sa seule issue est de coloniser le reste du Système solaire en construisant d’autres portails. Mission accomplie. 50 ans plus tard, l’humanité compte 1,5 milliard d’habitants, la plupart disséminés sur différentes planètes et lunes peu à peu terraformées. Ce chaos ambiant s’accompagne d’une ascension du crime et l’ISSP (Inter Solar System Police, en somme, la police du Système solaire) met en place un système de primes et de chasseurs pouvant obtenir une licence afin de pourchasser les criminels.
Ces chasseurs de primes, aussi appelés « Cowboys », sont au centre de l’intrigue puisque c’est le métier de nos protagonistes ! Ils travaillent depuis leur vaisseau spatial, le Bebop, qu’ils utilisent pour les longs trajets et la vie commune, mais qui abritent aussi les vaisseaux personnels de certains membres de l’équipage. À la base, le vaisseau appartient à un ex-flic de l’ISSP devenu cowboy : Jet Black. Son coéquipier, Spike Spiegel, est le héros de l’histoire. Spike est un ancien assassin du syndicat du crime Red Dragon et ne parvient pas à se défaire de son passé. À cela s’ajoutera assez rapidement la séduisante Faye Valentine, au caractère bien trempé et dont l’identité cache bien des mystères. Pour finir : Edward Wong, une jeune fille déjantée virtuose du hacking et toujours accompagnée de Ein, le chien du Bebop.
Un point capital de l’histoire et l’un des éléments de réflexion de la série est l’interdépendance de certains personnages. Spike est en effet hanté par son passé, car ce dernier est intimement relié à son ancien équipier, Vicious, qui travaillait également pour le syndicat. Autrefois son camarade le plus proche, Vicious est devenu un fantôme dont Spike ne parvient pas à se défaire. Au milieu des deux, on trouve Julia, la femme que recherche Spike tout au long de la série. Ne quitte pas les Red Dragon qui veut, et lorsque Spike feint de mourir pour les abandonner, il était censé fuir avec sa bien-aimée. Seulement, le jour du rendez-vous, Julia est absente…
Spike est donc éternellement en quête de savoir ce qui est advenu de Julia, de la retrouver et de pouvoir enfin faire sa vie avec. Bien entendu, au fur et à mesure que la série avance, on découvre le pourquoi de l’absence de Julia et l’influence de Vicious dans sa décision. À l’époque de leur camaraderie, Vicious et Spike étaient les meilleurs du syndicat. Des combattants hors pair dont personne n’arrivait à la cheville. Alors que Spike tente de retrouver Julia, Vicious organise un coup d’État pour renverser le syndicat et prendre la tête des Red Dragon. Les rares apparitions de Vicious suffisent à faire comprendre que leur destin est lié et que leur histoire se terminera dans le sang.
Mais ce qui fait la force de Cowboy Bebop est loin d’être uniquement l’histoire tragique de Spike, mais plutôt tout ce qui l’englobe. Le style de l’animation et la diversité des thèmes abordés, le mélange des cultures qui forment l’univers, la musique qui vous restera en tête pour le restant de votre vie et cet équilibre parfait entre le dramatique et le comique. Voilà ce qui fait de Cowboy Bebop quelque chose d’unique. Une mise en abyme à la japonaise de la conquête spatiale, calquée sur les légendes du Far West avec ses chasses au trésor, ses criminels et ses chasseurs de primes.
C’est une fenêtre sur la vie de cette époque fictive, qui sort de tous les stéréotypes que peut connaître l’animation japonaise. Pas de héros élu par les dieux, pas de combat du bien contre le mal, pas d’armées dans des conflits sans fin. Simplement une tranche de vie d’une bande de chasseurs de primes plus ou moins capables, tous bourrés de défauts, mais que vous adorez aimer. Cette vision intimiste est amplifiée par la crédibilité de l’univers de la série. Un futur proche avec une technologie qui, dans la majorité des cas, reste très cohérente et qui oscille parfaitement entre ce que l’on connaît dans notre monde et ce que l’on pourrait imaginer pour le futur.
Une science-fiction sans complexe dans laquelle on s’immerge rapidement parce qu’elle incorpore une nostalgie de tout ce qui vient de la Terre dans un monde où l’humanité a dû la fuir. Les lunes, planètes et astéroïdes terraformés ne sont encore qu’au stade semi-archaïque avec des bulles protégeant les atmosphères générées par l’Homme ou des anneaux enfermant des villes construites dans des cratères. Sur Vénus, on trouve des organismes génétiquement modifiés pour pouvoir transformer les gaz à effet de serre en oxygène. Et au milieu de tout ça, on retrouve tout ce qui fait de nous des humains : la vie quotidienne des marchands, des programmes télé, des jeux d’argent, des criminels, des organisations, etc. En bref, un monde crédible, cohérent et vivant.
Il ne pourrait cependant pas être aussi vibrant sans la musique composée par Yoko Kanno et ses Seatbelts. Ce groupe fut fondé pour la création de la bande-son de Cowboy Bebop qui se recoupe en quatre albums pour la série et un double album pour le film, Knockin’ On Heaven’s Door (à regarder après l’épisode 23). D’origines diverses, les musiciens viennent principalement du Japon, de New York et de France. Faisant écho à la philosophie du mouvement bebop, la bande-son de Cowboy Bebop ne connaît aucune limite ! On y trouve du jazz, de la musique orientale, du heavy metal, des musiques de western, de l’opéra, bref, à peu près tout ce à quoi vous pouvez penser pour accompagner des poursuites sur Mars, des batailles spatiales ou des combats au corps à corps.
Suivant la scène, l’action et le thème de l’épisode, l’accent sera placé sur un genre en particulier, même si toute la série est unifiée par les cuivres et les batteries jazzy. D’après Watanabe, Kanno et son groupe étaient si inspirés par la série et leurs sessions qu’ils ont fait le double de ce qui était nécessaire. Cet amour pour la création musicale se ressent dans chaque morceau et marque les spectateurs à jamais. Chaque musique rattachée à un passage particulier, à une planète, tout aussi différentes les unes des autres. Les épisodes ou « sessions » se déroulent rarement à la suite sur la même planète, à part quand c’est réellement nécessaire pour la narration. Chacun des épisodes est d’ailleurs nommé en hommage à des chansons connues (Bohemian Rhapsody de Queen, Wild Horses des Rolling Stones, etc.) ou une ambiance musicale générale.
Cowboy Bebop est rapidement devenu un phénomène international grâce à son mélange culturel et ses multiples inspirations et récoltant de nombreux prix et accolades des personnalités de la science-fiction. C’est aussi l’une des premières séries d’animation japonaise à attirer l’oeil des critiques hors anime, relevant la qualité du style, du développement des personnages, de l’animation et de la musique. Souvent considéré comme le chef-d’oeuvre ultime de l’animation japonaise, Cowboy Bebop est aussi connu pour être l’une des meilleures séries pour faire connaître le monde plus élargi de l’anime à ceux qui ne s’y sont jamais essayés. Le seul danger, comme le prophétise le dernier écran de la série, c’est de ne jamais voir quelque chose de mieux par la suite.
La qualité exceptionnelle de la série n’est plus à prouver depuis longtemps, étant la référence absolue pour de nombreux amateurs d’animation et de science-fiction. Avec une bande de personnages inoubliables, une animation impeccable et un univers captivant, Cowboy Bebop mérite amplement tous ses lauriers. Si vous n’avez jamais regardé d’anime de votre vie, vous ne pouvez pas mieux tomber pour commencer. Pour ceux qui sont déjà sous le charme depuis des années, quel est votre aspect préféré de Cowboy Bebop ?
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