Depuis des temps immémoriaux, les chauves-souris fascinent. Au-delà de leurs capacités de vol, ces mammifères cachent une autre merveille, bien moins visible mais tout aussi remarquable : une résistance génétique au cancer et aux infections virales. Alors, quels secrets génétiques renferment ces créatures nocturnes, et comment pourraient-elles révolutionner la compréhension des maladies humaines ?
Une génétique enviable
Les chauves-souris ne sont pas seulement des créatures de la nuit dotées d’un radar naturel. Elles possèdent également une durée de vie impressionnante, avec une résilience génétique hors norme face aux infections et au cancer. Le Dr Linfa Wang, spécialiste reconnu à la faculté de médecine Duke-NUS de Singapour, n’a pas hésité à exprimer son admiration pour ces capacités immunitaires. Pour lui, même si ces mammifères volants ressemblent à bien des égards aux êtres humains, ils sont capables de prouesses biologiques presque inimaginables.
Dans une étude publiée dans la revue Genome Biology and Evolution, une équipe de chercheurs a étudié les génomes de deux espèces distinctes : la chauve-souris frugivore jamaïcaine et la chauve-souris mésoaméricaine à moustaches. Cette démarche, comme le souligne le Dr Armin Scheben, auteur principal de l’étude, vise à appliquer les découvertes sur cette biologie unique à la compréhension et au traitement de nos propres maladies.
L’une des hypothèses principales suggère une coévolution des chauves-souris avec les virus. En effet, le vol, activité hautement énergétique, conduit à la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS). Ces ROS peuvent endommager l’ADN, nécessitant ainsi une amélioration constante de sa réparation. Cette coévolution aurait alors stimulé leur système immunitaire tout en augmentant leur capacité à réparer l’ADN.
Comparaison génomique
En comparant les génomes des chauves-souris avec d’autres animaux comme les humains, les souris ou les chevaux, les scientifiques ont identifié des spécificités dans leurs gènes liés au système immunitaire. Plusieurs familles de gènes semblent jouer un rôle majeur dans leur système immunitaire, notamment les interférons (IFN). En particulier les IFN-ω, potentiellement plus robustes que d’autres types d’IFN, semblent jouer un rôle prépondérant dans leur réponse antivirale exceptionnelle.
Par ailleurs, les chauves-souris ont développé une stratégie pour limiter l’inflammation, combinant l’expansion des gènes antiviraux et la réduction des gènes pro-inflammatoires. En outre, ces mammifères ont adopté une stratégie de prévention de l’inflammation, modifiant l’équilibre entre les gènes antiviraux et les gènes pro-inflammatoires. Une meilleure compréhension de ce mécanisme pourrait avoir des implications thérapeutiques pour l’Homme.
Lutte contre le cancer
La résistance au cancer des chauves-souris n’est pas qu’une simple anecdote. Les modifications génétiques observées dans de nombreux gènes associés à la prévention de cette maladie indiquent une forte tendance à la sélection positive. En d’autres termes, au fil de l’évolution, ces mammifères ont renforcé leurs défenses contre le cancer. En outre, la réparation efficace de leur ADN est un autre facteur clé de leur longévité et de leur résistance aux tumeurs.
Les chauves-souris, tout en résistant à de nombreuses maladies, sont également les hôtes d’un éventail de virus. Le Dr Thomas Zwaka, de l’école de médecine Icahn du mont Sinaï, considère que ces animaux sont « génétiquement préparés » à tolérer ces virus. Cette résilience pourrait s’avérer cruciale pour prévenir de futures épidémies transmises des animaux à l’Homme.
La nature recèle d’innombrables merveilles, et les chauves-souris en sont un exemple frappant. En étudiant ces créatures et en décodant leurs secrets génétiques, nous pourrions non seulement améliorer notre compréhension des maladies, mais aussi développer de nouvelles stratégies thérapeutiques pour l’Homme. Pour aller plus loin, voici 16 faits fascinants sur les chauves-souris.
