Et s’il restait encore des secrets cachés dans la boue fossile ? Ces dinosaures à bec de canard, figés dans le temps, ont livré bien plus que des os : peau, pointes dorsales… et même des sabots. Une découverte qui chamboule tout ce qu’on croyait savoir sur l’évolution.

Pourquoi ces fossiles sont uniques : peau, crête et pointes conservées à l’état quasi intact
En plein coeur de la « zone des momies », les paléontologues de l’université de Chicago ont exhumé des fossiles d’Edmontosaurus annectens vieux de 66 millions d’années. Jusque-là, rien d’inhabituel, sauf que ces dinosaures ne sont pas de simples squelettes : leur peau, leur silhouette et même leurs ornementations dorsales ont été conservées avec une finesse rare. Ces fossiles ont été moulés naturellement par l’environnement argileux dans lequel ils ont été ensevelis.
L’un des spécimens, un jeune de deux ans, présente une crête souple le long du cou, un détail jamais observé auparavant avec autant de précision. L’autre, un jeune adulte, arbore une rangée de pointes rigides sur tout le dos, rappelant presque une forme primitive d’armure. Ces éléments révèlent des caractéristiques anatomiques jusqu’ici insoupçonnées chez les hadrosaures, qui pourraient bien modifier nos reconstitutions visuelles actuelles.
Des sabots chez un dinosaure : une découverte qui bouscule l’évolution des extrémités

Mais la véritable surprise, celle qui a fait sursauter plus d’un chercheur, c’est la découverte de sabots sur les pattes arrières de l’adulte. Oui, des sabots. Pas des griffes, pas des coussinets : de véritables structures cornées recouvrant les orteils. Ce trait, jamais observé chez un reptile, réinvente notre façon de penser l’évolution des extrémités chez les dinosaures. Cela soulève une nouvelle question : d’autres espèces de dinosaures auraient-elles aussi développé cette adaptation ?
D’après l’étude publiée dans Science, ce serait le plus ancien exemple connu de sabot dans le règne animal, daté entre 66 et 69 millions d’années. Certains chercheurs vont plus loin et supposent que cette adaptation pourrait remonter au Jurassique, chez des dinosaures cuirassés comme les stégosaures ou les ankylosaures. Une hypothèse qui, si elle se confirme, bouleverserait l’arbre évolutif des membres chez les vertébrés terrestres.
Comment l’argile et les microbes ont préservé les détails pendant 66 millions d’années

Comment ces structures molles ont-elles pu traverser le temps ? Tout repose sur un timing parfait. Les dinosaures sont morts de soif, lors d’une sécheresse brutale, puis ensevelis dans la boue par une crue subite. Cette vase, riche en biofilm microbien, a créé un moule presque hermétique autour des corps. La fine couche d’argile a joué un rôle de protection, enregistrant les moindres détails anatomiques.
Les chercheurs ont utilisé la tomodensitométrie et les rayons X pour analyser les fossiles sans les altérer. Ce qu’ils ont découvert, ce sont des empreintes de peau, des reliefs musculaires, et même la structure externe des sabots. Bien que la matière organique ait disparu, les empreintes, elles, sont intactes. C’est un peu comme si la nature avait sculpté un négatif en trois dimensions de ces créatures du passé.
Ce que ces fossiles nous apprennent sur la fin de vie des Edmontosaurus
Ce que racontent ces fossiles, c’est aussi un drame collectif. Un troupeau pris au piège par la soif, puis par les eaux. La boue du Wyoming, aujourd’hui aride, était alors une zone marécageuse, ouverte, où les Edmontosaurus vivaient, migraient, mouraient. Ces vestiges fossiles ne sont pas seulement des objets d’étude : ils sont des fragments d’une histoire écosystémique.

Chaque détail anatomique préservé – les plis de peau, les pointes dorsales, les sabots – enrichit notre compréhension non seulement de l’individu, mais de son environnement et de son époque. Et si, grâce à ces découvertes, on pouvait un jour reconstituer en détail non seulement la biologie des dinosaures, mais aussi leurs comportements, leurs parcours migratoires, voire leur place exacte dans la chaîne alimentaire du Crétacé ?
Par Eric Rafidiarimanana, le