Depuis maintenant plusieurs semaines, l’Afrique de l’Est et l’Asie sont victimes d’invasions dévastatrices de criquets pèlerins. Il s’agit des plus importantes depuis plusieurs années. Ce phénomène dévastateur met en péril la survie de dizaines de millions d’être humains qui vivent principalement de leurs récoltes et de leurs élevages.
Un essaim de milliards de criquets dévastateur en Afrique de l’Est et en Asie
En Afrique de l’Est et en Asie, les invasions de criquets pèlerins ravagent de plus en plus les terres agricoles. Par ailleurs, un essaim de criquets d’un kilomètre carré est capable de dévorer et de ravager des récoltes destinées à nourrir jusqu’à 35 000 êtres humains.
Ces données dramatiques inquiètent désormais fortement les Nations unies. “Nous étions au Kenya il y a deux semaines. Nous y avons vu de grands essaims de criquets. Il faut que nous fassions des pulvérisations aériennes. Ce que nous avons observé ici ce matin, ce sont des larves que ne volent pas encore. Pour lutter contre les larves, on peut effectuer des opérations de contrôle au sol. Il existe une variété d’outils à notre disposition. Le problème, c’est que la prochaine saison de plantation aura lieu très bientôt. Elle va commencer en avril ou mai. Donc si on ne parvient pas à contrôler maintenant les populations acridiennes, cela aura un impact énorme sur la saison des semences”, a expliqué Dominique Burgeon, directeur de la division des urgences et de la réhabilitation à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Jusqu’à présent, les criquets pèlerins ont envahi l’Afrique de l’Est et l’Asie, notamment la Somalie, l’Inde, le Kenya mais également le Pakistan. “Je n’avais pas vu une telle invasion de toute ma carrière”, a témoigné avec effroi Shehbaz Akhtar, fonctionnaire chargé de l’éradication des criquets dans la province du Pendjab, grenier à céréales du Pakistan. Si la Somalie subit sa plus grande invasion de criquets en 25 ans, le Pakistan connaît sa pire invasion de criquets pèlerins depuis 27 ans à cause des fortes pluies et des cyclones, selon l’ONU.
Autre problème : les criquets pèlerins sont capables de se reproduire à une vitesse spectaculaire. Le réchauffement climatique favorise d’ailleurs la perpétuation de cette menace et ces criquets profitent donc de ces conditions idéales pour se multiplier davantage. Cela provoque alors des conditions tout à fait propices à l’éclosion de larves. Par ailleurs, le nombre de criquets aurait été multiplié par 64 millions en seulement un an et demi et la population acridienne pourrait encore augmenter 500 fois plus d’ici le mois de juin 2020. Les conditions climatiques extrêmes ont donc entraîné la dévastation de dizaines de zones d’Afrique de l’Est ces derniers mois.
Des pays au bord de la catastrophe et qui ont des difficultés pour accéder à la nourriture
“Treize millions de personnes vivent dans les pays concernés qui ont déjà des difficultés d’accès à la nourriture et dix millions de personnes résident directement dans les zones touchées par les criquets. J’appelle les États concernés, la communauté internationale, les donateur à agir – et à agir maintenant. Nous sommes au bord de la catastrophe. Peut-être pouvons-nous encore la prévenir. Il faut que nous essayions”, a rapporté Mark Lowcock, secrétaire général adjoint pour les Affaires humanitaires de l’ONU, face à l’ampleur de cette catastrophe.
Afin de lutter contre ces invasions dévastatrices, plusieurs gouvernements d’Afrique de l’Est procèdent à des épandages d’insecticides à l’aide d’avions, en espérant que les terres agricoles et les élevages parviendront à se régénérer. Selon l’ONU, 76 millions de dollars seraient nécessaires pour éliminer ces milliards de criquets. Jusqu’à présent, cette région du monde n’en a récolté que 21 millions. Une catastrophe qui continue d’aggraver l’urgence humanitaire au fil des jours, notamment au Kenya, en Somalie, en République du Congo et en Éthiopie. Depuis le 9 février dernier, l’Ouganda en est également victime. Concernant le Pakistan, aucun chiffre officiel ne détermine précisément le nombre de terres qui ont été touchées ou à quel point la sécurité alimentaire et l’économie sont menacées. Dans ce pays, l’agriculture représente d’ailleurs 20 % du PIB.
Qu’en est-il de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale ?
La situation est d’une telle ampleur en Afrique de l’Est que les spécialistes se sont interrogés sur la possible invasion de criquets en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Selon plusieurs chercheurs, il est peu probable que les criquets pèlerins ravagent ces régions de l’Afrique. “L’Afrique centrale n’est pas menacée”, a notamment affirmé Keith Cressman, expert de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Néanmoins, il estime qu’il est probable que ces insectes envahissent l’Afrique de l’Ouest. “Ce pourrait être au début de l’été si les criquets se déplaçaient en direction du nord, à partir du Kenya vers le Soudan, puis en direction de l’ouest. Comme ce serait avant les pluies, les criquets traverseraient très probablement l’ouest du Soudan et finiraient par atteindre la Mauritanie à temps pour le début des pluies d’été. Nous espérons que les moyens vont être mis en oeuvre pour qu’on puisse barrer la voie à cette crise acridienne dans les meilleurs délais possibles, c’est-à-dire entre avril et mai”, a rapporté Idrissa Maiga, entomologiste du centre régional Agrhymet.
Au Niger, au Tchad, au Mali et en Mauritanie, cette question retient tout particulièrement l’attention des autorités, sachant que ces pays sont situés en Afrique de l’Ouest. En effet, ils abritent de grandes aires de reproduction des criquets pèlerins. “Pour l’instant il n’y a aucune menace. On espère qu’il n’y aura pas de ponte des oeufs pendant la saison des pluies. Les pays de première ligne ont des plans d’intervention d’urgence qui devraient être revus”, a également rapporté Youssouf Mohamed Elmoctar, secrétaire général du Réseau des chambres d’agriculture du Niger (RECA).
La Chine aidera les pays d’Afrique à lutter contre cette invasion
Le mardi 10 mars dernier, la Chine a annoncé qu’elle enverrait une équipe de spécialistes et fournirait les besoins nécessaires pour aider les pays d’Afrique de l’Est et l’Asie à lutter contre ces invasions dévastatrices de criquets pèlerins et éviter qu’elles se propagent dans les autres régions d’Afrique et au-delà du continent.
D’ici quelques jours, ces spécialistes devraient rejoindre les autorités locales et les experts de ces pays afin de reprendre le contrôle de la situation, comme l’a expliqué le ministère chinois des Affaires agricoles et rurales. De plus, la Chine fournira une assistance technique et le matériel adéquat.
Par Cécile Breton, le
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