Oubliez vos masques de slashers, vos déguisements d’Halloween et vos lunettes-moustache du nouvel an : ce logiciel de reconnaissance faciale pourra bientôt déjouer tous vos accoutrements, et vous exposer en pleine lumière. On n’arrête pas le progrès…
Le visage en 14 points
Une équipe de chercheurs de l’Université de Cambridge a développé un algorithme d’apprentissage automatique capable de localiser les 14 points clés du visage. Des zones très précises, la plupart entourant les yeux et la bouche, vers lesquelles le cerveau humain va inconsciemment porter son attention dès lors que nous regardons quelqu’un.
Les chercheurs ont ensuite tendu au système 2 000 photos de personnes vêtues de différentes façons – chapeaux, lunettes, écharpes et postiches – afin d’éprouver l’aptitude du logiciel à localiser minutieusement ces fameux 14 points clés qu’il lui était impossible de voir. L’algorithme s’est alors penché sur un échantillon de ces images pour comprendre comment les visages grimés pouvaient correspondre à ceux demeurés intacts.
Fini les cache-cache
Le logiciel a identifié à 77 % les personnes portant une écharpe, 69 % pour le duo casquette-écharpe, et 55 % le combo casquette-écharpe-lunettes. Les résultats ne sont pas aussi probants que ceux des systèmes spécialisés dans les visages non retouchés… Néanmoins, un des membres de l’équipe assure que : « C’est le meilleur logiciel pour voir sous les déguisements. » En effet, il n’a besoin que d’une portion de ces fameux points de repères pour deviner où sont susceptibles de se trouver les autres. En se basant sur ses suppositions, et s’il a déjà eu accès à une cartographie complète des 14 points, il est en mesure d’identifier la personne en question.
Amarjot Singh, un doctorant affilié au projet l’affirme : « Oui, il est capable de voir sous votre masque. » Et sous les maquillages dits « camouflage » qui prétendent vous rendre anonymes aux yeux des caméras du monde entier. Le chercheur prévoit même de pousser ses recherches plus avant, espérant élaborer un algorithme capable d’identifier quiconque porterait un masque en plastique lors des manifestations – les fameux V pour Vendetta. Fiers de leurs découvertes, les chercheurs de Cambridge iront présenter leurs travaux à la Conférence Internationale sur la Vision par Ordinateur, fin octobre en Italie.
Panique sur la « Privacy »
Amarjot Singh et son équipe partaient avec les meilleures intentions du monde en concevant ce logiciel futuriste. Il pourrait grandement subvenir aux besoins de la communauté en identifiant les braqueurs cagoulés, et les casseurs encapuchonnées. D’ailleurs, les multiples applications d’une telle technologie sont telles que le gouvernement britannique a annoncé consacrer 4,6 millions de livres à l’amélioration du logiciel ; l’objectif final étant de disposer d’un algorithme suffisamment dopé qui identifierait automatiquement les suspects depuis des vidéos en temps réel.
L’être humain étant ce qu’il est, on ne peut qu’imaginer les dégâts causés par ce système informatique s’il était remis entre de mauvaises mains. Bien sûr, on pense tout naturellement aux régimes totalitaires et dictatoriaux, qui useraient de ce gadget comme d’un traceur à opposants politiques. Une manière d’asseoir un peu plus leur autorité par la répression. Mais pas besoin de vivre sous le joug d’un tyran pour expérimenter les dérives d’une telle invention : les citoyens des démocraties occidentales n’auront bientôt plus de vie privée ! « C’est toujours une question de compromis entre sécurité et vie privée » reconnaît Anil Jaïn, de l’Université d’État du Michigan.
C’est pas encore ça…
Le logiciel est loin d’être parfait : moins il a de points clés à sa disposition, moins le logiciel est capable de reconnaître une personne en photo. C’est aussi compliqué à cause des arrières-plans plus ou moins encombrés. Par exemple, le logiciel ne peut identifier une personne portant casquette, lunettes et écharpe que 43 % du temps si celle-ci se tient devant un arrière-plan particulièrement chargé. Impossible de savoir si le logiciel pourrait fonctionner en conditions réelles : l’algorithme n’a été entraîné que sur 25 personnes…
Les progrès n’épargnent pas non plus les opposants à ce néo Big Brother. Leurs astuces pour échapper à ces technologies de surveillance s’améliorent de jour en jour. Rien que l’année dernière, des chercheurs de l’Université Carnegie Mellon ont fait une étonnante découverte : il est possible de tromper un logiciel de reconnaissance faciale en portant des lunettes. Évidemment, on ne parle pas de Ray-Ban passe-partout, mais d’une paire de lunettes aux montures tellement flashy et colorées que même le plus perfectionné des logiciels peut se faire berner. Profitons vite du peu de « Privacy » qu’il nous reste !
Par Matthieu Garcia, le
Source: New Scientist
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