Une étude annonce pour la première fois que les cultures représentent des « cuves » à phytovirus. Ce phénomène s’explique par la concentration au même endroit de plantes contenant le même patrimoine génétique. En conséquence, le virus se diffuse plus facilement lorsqu’une population est présente que dans des zones « sauvages ».
Une diffusion des virus plus facile dans les zones de culture
La concentration d’une population animale, humaine ou végétale au patrimoine génétique semblable entraîne plus aisément la dispersion d’un virus. Cette preuve résulte de l’étude publiée dans la revue d’écologie microbienne ISME Journal. 50 % des maladies qui se dispersent sont des maladies virales. Elles se propagent d’ailleurs plus fréquemment au coeur des zones cultivées que dans les zones sauvages.
« En écologie virale, c’est une affirmation qui n’avait jamais été vérifiée » indique Philippe Roumagnac. Pour arriver à ces résultats, il part deux ans en Afrique du Sud, dans une région floristique du Cap : « L’idée a été de comparer la biodiversité de virus présents dans des agrosystèmes où les plantes sauvages voisinent avec les cultures », explique le coauteur de l’article. Dans cette zone, la culture des céréales est proche d’un milieu végétal naturel au nom de Fynbos.
De retour en France, les chercheurs se penchent sur les plantes sauvages de Camargue et de la culture des rizières du delta du Rhône. À chaque fois, les plantes passent une série de tests avec des analyses génétiques. Le but est d’identifier quelles sont les différentes familles de virus existant sur les plantes sauvages d’un côté, et les plantes cultivées de l’autre. Les résultats sont ensuite comparés.
Plantes cultivées ou sauvages : les virus ont fait leur choix
« Que ce soit en Afrique du Sud ou en France, nous constatons par ailleurs la présence d’au moins 19 familles de virus ainsi qu’une distribution similaire entre sauvages et cultivées », atteste le chercheur du CIRAD.
Dans l’Histoire, les humains se sont réunis dans des villages « au moment de l’apparition de l’agriculture ». Ce regroupement dans des zones favorise les épidémies : c’est ainsi que les maladies humaines font leur apparition.
Jusqu’à présent, peu d’études sur les virus des espaces sauvages existaient. Philippe Roumagnac commente pourtant : « On aurait tout intérêt à s’intéresser à la grande quantité de virus présents dans les zones bordant les parcelles agricoles pour mieux comprendre l’émergence des maladies des plantes. ». Une meilleure connaissance de ces virus permettrait de freiner certaines nouvelles maladies.
Une connaissance « partielle en matière de diversité » des virus des plantes
Depuis plus d’un siècle les scientifiques font des recherches sur les virus des plantes en culture. Ces recherches ont pour but de mieux connaître les effets pathogènes de ces virus. En cause, 50 % des maladies émergentes sont d’origine virale. Actuellement, le Comité international de taxonomie des virus recense 1 400 espèces de virus de plantes. Dans ce lot, seulement 10 % émanent de plantes sauvages.
« Notre connaissance du monde des virus des plantes reste donc extrêmement partielle en termes de diversité, mais aussi en matière de répartition à l’échelle de l’agroécosystème » déclare le chercheur du CIRAD, Denis Filloux.
Pour Philipe Roumagnac il est nécessaire d’acquérir une « meilleure connaissance des virus » pour que l’agroécologie ait « un moyen supplémentaire de contenir les maladies en favorisant par exemple les mélanges variétaux ou la culture simultanée de diverses espèces végétales ».
Par Bérengère Condemine, le
Source: Sciences et Avenir
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