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En France, nombreux sont ceux qui maîtrisent mal l’anglais, voire parfois pas du tout. Difficultés d’apprentissage d’une langue étrangère au français, changements de tonalités, différence d’éducation, différences d’apprentissage à l’école, termes difficiles à prononcer… les raisons peuvent être multiples. Mais pourquoi les Françaises et les Français maîtrisent-ils si mal l’accent anglais et la langue anglaise ?

Des divergences au niveau de l’accent tonique

« Pourquoi les Français parlent-ils si mal l’anglais ? » Voici la question posée dans un article publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle il est possible de poser des questions, auxquelles des spécialistes répondent. Pierre-Laurent Sisley, étudiant en master de psychologie clinique à l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense, a analysé et répondu à cette question en s’appuyant sur ses cours de psychologie cognitive.

Pierre-Laurent Sisley compare notamment l’apprentissage d’une langue à celle des notes de musique. « On dit de certains qu’elles sont chantantes, rythmées (comme l’italien, le persan ou l’arabe). (…) Le français est une des langues les plus monotones du monde : trois notes seulement comparé à l’anglais qui joue sur sept notes et le russe qui lui joue sur neuf. (…) Beaucoup de langues asiatiques ou slaves jouent sur plus de dix notes. Les accents régionaux ne changent rien à l’affaire : ce sont les accents toniques inhérents à la langue qui importent, ainsi que la prosodie de celle-ci.« 

Par ailleurs, cet étudiant met en avant le fait qu’il existe des divergences au niveau de l’accent tonique de chaque langue dans le monde. Dans la langue française, celui-ci est mis à la fin d’une phrase, contrairement à l’anglais, l’espagnol ou encore l’allemand où il est placé en fonction des termes employés les plus importants. En France, nous parlons donc majoritairement de façon monotone et nos sonorités sont très similaires entre elles. « Le français se parle sans grande divergence sonore.« 

La « période sensible » ou « critique » de l’enfance

Pierre-Laurent Sisley poursuit son explication en évoquant la question de l’éducation et du milieu social au sein duquel chacune ou chacun grandit. « Un enfant connaît dans son développement ce qu’en sciences comportementales et en biologie on appelle une période critique dite aussi période sensible, au cours de laquelle toute information nouvelle est intégrable à 100 % sans effort.« 

Cette période de l’enfance irait, selon les spécialistes, jusqu’à 12 ans pour certains, voire parfois jusqu’à 15 ans pour d’autres. Entre 0 et 5 ans, les enfants retiennent mieux ce qu’ils apprennent, notamment au niveau d’une langue. « Les études scientifiques via l’imagerie cérébrale ont montré qu’un petit être humain peut assimiler plusieurs langues sans problème (…) Une fois passée la période critique, en l’absence d’un plurilinguisme ou même d’un bilinguisme, l’apprentissage de langues étrangères devient plus laborieux : notre cerveau structure ses cellules et connexions synaptiques selon ce qu’il reçoit en infos ordinaires. »

Notre cerveau et notre oreille s’habituent à notre milieu de vie

En grandissant, nous nous sommes habitués à la langue française que nous avons apprise lors de notre enfance. C’est entre 4 et 11 ans que les enfants s’habituent le plus aux sons de leur langue maternelle ou de n’importe qu’elle autre langue qu’ils ont la possibilité d’apprendre en plus. Avec le temps, notre cerveau, « par souci d’efficacité, élimi(ne) les voies neuronales qui ne serv(ent) pas pour les utiliser au service d’autres opérations complexes. Notre cerveau rentabili(se) son réseau interne. Notre oreille est donc conçue pour entendre, parler le français avant tout puisque nous évoluons dans un milieu francophone en permanence (ou presque)« , explique également Pierre-Laurent Sisley.

La langue française est une langue dite pauvre en matière de sonorité. En effet, elle ne comporte que trois notes. Notre oreille s’y est habituée et c’est donc la raison pour laquelle nous percevons avec difficulté « les sons d’autres langues qui sont hors de son spectre sonore. Si certains sons de l’anglais ou de l’allemand nous semblent si difficiles à prononcer et à restituer avec le bon accent tonique, c’est aussi à cause de cette faible amplitude sonore devenue naturelle« , ajoute-t-il.

Certaines langues, telles que les langues asiatiques, sont pour nous très complexes à apprendre, voire parfois « inaudibles » car elles sont très riches en matière de sonorité, contrairement au français. « Apprendre le mandarin ou le japonais constitue un vrai défi pour un·e Français·e, par exemple, car un même mot peut signifier diverses idées parfois opposées selon la manière dont il est prononcé (ton haut, ton bas, aigus ou graves, sons longs, sons brefs, etc.)« , constate Pierre-Laurent Sisley. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Scandinaves, les russophones ainsi que les Slaves sont souvent meilleurs que nous en matière d’apprentissage d’une langue étrangère : leur oreille est habituée à entendre diverses sonorités.

Les niveaux de langues dépendent tout de même de chacun

Pierre-Laurent Sisley conclut son explication en rappelant tout de même : « Pour être au moins bilingue avec aisance, il faut commencer à apprendre une autre langue tout petit. Ceci dit, apprendre une langue étrangère reste possible une fois adultes grâce à la plasticité cérébrale, mais le processus sera bien plus long et laborieux. » Néanmoins, la motivation et l’implication personnelles peuvent rendre plus simple l’apprentissage d’une langue étrangère. Ainsi, le fait que les Françaises et les Français maîtrisent mal l’accent anglais ainsi que la langue ne signifie pas que nous sommes « malformé-es : c’est notre langue elle-même qui porte la cause de cet état de fait« , explique l’étudiant.

En dehors de cela, il ne faut pas oublier la manière dont les langues étrangères sont enseignées dans les établissements scolaires, mais également si nos parents ou nos proches connaissent ou non certaines langues étrangères. « Le niveau de langue d’un individu résulte de causes multiples par essence. Il est très individualisé, même si une ligne générale peut se dessiner pour une population« , conclut Pierre-Sisley.


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