Un cap a été franchi par SpaceX ce week-end. La compagnie d’Elon Musk a réussi à procéder à deux lancements en moins de 48 heures. Un succès qui doit beaucoup au modèle de la fusée réutilisable développée par la firme de Californie. Et surtout une belle promesse pour le futur.

Le week-end de tous les succès

Les deux lancements auraient dû être espacés de presque une semaine. Mais en repoussant de lundi à vendredi la mise en orbite du premier satellite bulgare, SpaceX a établi son nouveau record. Moins de deux jours plus tard en effet, une autre fusée décollait pour le lancement de 10 satellites de la compagnie Iridium.

L’objectif de SpaceX est de rendre le voyage spatial le moins cher possible. Pour cela, deux pistes ont été privilégiées. D’une part une intégration industrielle verticale : la compagnie produit elle-même près de 70 % des composants de ses lanceurs d’engins, à la différence de ses concurrents qui font largement appel à la sous-traitance. D’autre part, ses engins sont désormais partiellement réutilisables, ce qui abaisse considérablement le coût de chaque lancement. Ce qui permet à des compagnies comme BulgariaSat d’atteindre l’espace pour la première fois.  » Pour les petits pays et les petites compagnies comme nous, il n’y aurait aucun moyen ne serait-ce que de penser à l’espace sans SpaceX « , explique son PDG Maxim Zayakov.

Les satellites d’iridium lancés ce week end par SpaceX

Le trublion de l’aérospatial

Le monde de l’aérospatial a longtemps douté de la stratégie low cost du trublion californien. Il faut dire que les économies drastiques sur les conditions de lancement avaient déjà provoqué des accidents, en 2015 et 2016.

SpaceX entrait, il faut le préciser, sur un marché très concentré et fermé. La demande étant beaucoup plus forte que l’offre, l’enjeu était de casser les prix. L’armée de l’air américaine avait besoin de l’UCLA pour lancer ses satellites. Le coût ? Plus de 400 millions de dollars, là où son nouveau concurrent promet moins de 100 millions de dollars ! Un rapport critiquait en 2014 le manque de transparence de l’UCLA, qui, en situation de quasi monopole aux États-Unis, n’avait pas vraiment de raison de réduire les coûts.

Enfin, la concurrence entre les nations, notamment la Russie et les États-Unis, a permis à SpaceX de se faire une place au soleil. Les échanges technologiques sont précieux dans le domaine spatial. Or, les tensions internationales entre ces deux grandes puissances nuisent à la coopération. Pendant ce temps, les nations émergentes, comme la Chine ou l’Inde, préfèrent travailler de la manière la plus autonome possible pour développer leurs filières.

SpaceX fait décoller ses engins depuis des barges dans l’océan. Ici un Falcon 9 en 2015


La fusée réutilisable

Le 30 mars dernier, c’est la consécration pour SpaceX. Pour la première fois, l’étage supérieur d’une fusée est récupéré, qui est aussi le plus cher. Désormais, le pari semble à portée de main. L’entreprise pense alors pouvoir réutiliser une douzaine de fois certaines pièces, ce qui pourrait en effet réduire les coûts d’au moins 30 %. Les deux lancements de ce week-end sont aussi le fait d’engins ayant déjà servi. Mieux, les nouvelles grilles en titane du Falcon 9 ont dépassé les espoirs de leurs concepteurs. Dans un tweet, le fondateur annonce même un nombre indéfini de vols avec le même engin.

Désormais, c’est le rythme de lancement qui pourrait faire de SpaceX le leader du secteur. La première fusée réutilisée avait mis près de quatre mois à être reconfigurée. Elon Musk aimerait réduire ce délai à moins d’une journée. La fréquence des lancements pourrait bien faire de lui l’acteur majeur du marché. Plus de 50 lancements sont en effet prévus d’ici la fin 2018.

Le première étage d’une fusée Falcon. C’est cette partie que SpaceX parvient désormais à réutiliser

Les projets fous d’Elon Musk

Le fondateur visionnaire, comme beaucoup des milliardaires issus de la Silicon Valley (il a fait fortune en revendant Paypal), voit l’avenir en grand. Non content de dominer le marché, il compte bien relancer complètement l’exploration spatiale. Ainsi, il prévoit à partir de 2024 une mission habitée sur Mars. Seulement 10 ans plus tard, il imagine des milliers de fusée transportant des millions de Terriens vers la planète rouge.

Le projet peut sembler trop ambitieux et même loufoque pour certains, mais on aurait tort de ne pas prendre Elon Musk au sérieux. Malgré des déclarations tonitruantes afin de se faire connaître du public et de susciter l’engouement, la réussite de son projet de fusée réutilisable malgré les critiques ayant suivi les échecs du Falcon 9 en 2015 et 2016 devrait servir de leçon aux sceptiques.

Quoi qu’il en soit, SpaceX a bouleversé la donne dans l’aérospatial. En effet, de nombreux projets portés par le secteur privé apparaissent aux États-Unis, comme Blue Origin de Jeff Bezos (fondateur d’Amazon). Les géants du secteur ont eux aussi dû revoir leurs ambitions à la hausse pour ne pas être dépassés. En témoigne la relance du projet Ariane 6 pour remplacer le modèle précédant. En ces temps de disette budgétaire pour les Européens, les succès du concurrent américain ne sont sûrement pas étrangers à cette décision.

Dragon, le véhicule réutilisable développé par SpaceX dans le but notamment de coloniser Mars
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