La Coupe du monde de football débutera dans moins d’un mois, mais ne cesse de faire l’objet de controverses, à tel point que de nombreuses villes dans le monde refusent désormais de diffuser ses matchs. Les révélations d’une société publique de médias norvégiens ne vont rien arranger.
Des applications de traçage extrêmement intrusives
Le Mondial de football 2022 aura lieu au Qatar du 20 novembre au 18 décembre. Depuis l’attribution de cet événement à l’émirat pétrolier en 2011, les polémiques ne cessent d’enfler, et les révélations de corruption quant à cette nomination se multiplient. Les accusations d’atteintes aux droits fondamentaux se multiplient, en particulier sur les conditions de travail des ouvriers ayant construit les stades.
Les lois qataries, inégalitaires vis-à-vis des femmes, sont également pointées du doigt. Afin de maintenir ces lois, le Qatar a rappelé aux supporters internationaux les règles et coutumes locales, en rappelant leur caractère strict, notamment pour les femmes. Mais ce n’est pas la seule exigence de l’émirat : l’installation d’applications de traçage est également obligatoire.
En effet, la Norwegian Broadcasting Corporation (NRK) a lancé un appel à la vigilance quant aux deux applications qu’il sera obligatoire de télécharger avant d’entrer au Qatar. Øyvind Vasaasen, chef de la sécurité de cette société de médias appartenant à l’État norvégien, met en garde contre Ehteraz et Hayya, la première étant une application de suivi du Covid-19, la seconde permettant de sauvegarder ses billets pour les matchs ou d’avoir accès au métro gratuitement.
Prendre le contrôle du téléphone
Le constat de Vasaasen est simple mais clair : « Ce n’est pas mon travail de donner des conseils de voyage mais si, personnellement, je devais me rendre au Qatar pour la Coupe du monde, je n’emporterais pas mon téléphone. » Pourquoi ? À cause du pouvoir quasi illimité dont ces applications disposent sur nos smartphones.
Ainsi, Ehteraz peut, en plus de géolocaliser votre téléphone, supprimer ou modifier tout le contenu de votre téléphone (notamment, par exemple, des photos jugées « gênantes » pour le pays), de même que l’accès au Bluetooth et au Wifi, empêcher le téléphone de passer en mode veille et remplacer les applications. Elle peut également désactiver le verrouillage de l’écran et passer des appels. Cette application avait été rendue obligatoire en 2020, provoquant un tollé, et l’inquiétude d’ONG comme Amnesty International, qui avait révélé des failles de sécurité. Hayya, quant à elle, est moins intrusive mais demande des informations personnelles sans restrictions. Le téléphone peut évidemment être géolocalisé, et empêcher de passer en mode veille.
Pourquoi c’est problématique ?
Pour Øyvind Vasaasen, télécharger ces applications reviendrait à « laisser aux autorités qataries les clés de votre maison ». En effet, NRK a demandé à deux entreprises de sécurité informatique, Mnemonic et Bouvet, ce qu’elles pensaient de ces applications. Le constat est sans appel : elles peuvent se rendre coupables de nombreux abus. Martin Gravåk, de Bouvet, confirme qu’Ehteraz peut savoir en permanence où vous êtes. En clair, vous devez avoir une confiance absolue dans les personnes qui contrôlent ces applications, et le fait qu’il s’agisse des autorités qataries n’a rien pour rassurer. « Si vous chassez l’opposition, les homosexuels ou d’autres personnes que vous n’aimez pas, une application comme celle-ci vous facilitera la tâche », précise-t-il.
Naomi Lintvedt, chercheuse à la Faculté de droit de l’université d’Oslo, tire elle aussi la sonnette d’alarme. « Ils vont beaucoup trop loin en termes de données enregistrées et utilisées. Ils obtiennent un accès beaucoup trop large pour modifier et prendre en charge les fonctionnalités de votre téléphone mobile, ce qui semble totalement inutile. Cela permet une surveillance gouvernementale, et puisqu’il s’agit du Qatar, cela doit également être pris en compte. Cela augmente le risque que les données soient utilisées à des fins autres que le simple suivi des infections. » Interrogées par le site spécialisé itwire.com, les autorités quataries n’ont pas donné suite.
Face à ces abus, de nombreuses personnalités ont appelé à boycotter cette Coupe du monde. C’est la décision prise par de nombreuses villes en France, à l’instar de Paris ou Strasbourg, qui ont pris la décision de ne pas diffuser les matchs, ni installer de fan zones, au nom de l’éthique et de l’écologie.
Par Marine Guichard, le
Source: L'indépendant
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