L’Homme a transformé la planète et laissé sa marque dans une nouvelle ère géologique : l’Anthropocène. Un animal représente bien cette influence humaine : le poulet. Cet oiseau, qui a pour ancêtre le Coq doré, une espèce sauvage d’Asie du Sud-Est, est devenu l’espèce de vertébrés la plus nombreuse sur Terre, avec 23 milliards d’individus en vie à tout moment. C’est aussi la viande la plus mangée dans le monde, avec une production mondiale estimée à 132 millions de tonnes en 2021. Mais ce poulet n’a plus rien à voir avec ses ancêtres. Il a été sélectionné pour grossir vite. Très vite.
Un oiseau modifié par la génétique et la technologie
Ses gènes ont été altérés pour qu’il ait constamment faim et qu’il mange et grandisse plus rapidement. Son cycle de vie est entièrement dépendant de la technologie humaine. Il vit dans des usines climatisées, sous des lumières électriques, avec une alimentation uniforme. Il est tué à la machine, à des milliers par heure.
Ses os sont agrandis, chimiquement différents et génétiquement appauvris. Il est deux fois plus gros qu’un poulet du Moyen Âge et prend du poids cinq fois plus vite que les poulets des années 1950. Il est prêt pour être tué à l’âge de cinq ou six semaines. Ses os sont moins denses et souvent déformés. Son corps énorme lui cause des problèmes cardiaques ou respiratoires qui l’empêchent de survivre longtemps hors de son élevage industriel.
Un fossile vivant de l’Anthropocène
Ses os sont partout, dans les décharges et les fermes du monde entier. Ils ont de bonnes chances d’être préservés dans les roches comme des indicateurs fossiles de l’Anthropocène, selon une étude publiée par la Royal Society Open Science.
Les espèces intelligentes qui apparaîtront dans un futur lointain – rats ou pieuvres hyper-évolués, peut-être ? – auront du mal à comprendre comment et pourquoi ces millions d’os ont changé si rapidement et se sont mélangés aux débris technofossiles des immenses décharges pétrifiées que nous laisserons derrière nous. Ils verront peut-être cet oiseau – bien plus impuissant que le dodo – comme une création technologique.
Un avenir incertain pour le poulet
La consommation de poulet est en hausse. La viande est bon marché et beaucoup la préfèrent au bœuf ou au porc pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Mais nous devons aussi nous adapter à une population croissante dans un monde affecté par le changement climatique. Peut-être que le statu quo n’est plus tenable. Peut-être que l’ère des poulets pourrait s’arrêter en un instant (géologique).
En effet, les plus grands producteurs de poulets au monde, Tyson Foods et Perdue Farms, investissent désormais dans les protéines d’origine végétale, ce qui est surprenant. Quoi qu’il en soit, l’histoire de cet oiseau modifié par l’Homme restera à jamais gravée dans le marbre.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: The Conversation
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