Parfois devenus invisibles, nos dégâts sur l’environnement n’en sont pas moins importants. On considère que ce dernier siècle, la moitié des étangs du monde et ses zones humides ont été détruites, bien souvent à cause des terre agricoles qui s’installent sur ces endroits. Mais telle la créature mythique du Phoenix, ces habitats et les organismes qu’ils abritaient pourraient renaître de leurs cendres grâce à ce groupe de chercheurs.
Des « étangs-fantômes » disséminés sur le territoire
Au début du XXe siècle, on dénombrait pas moins de 800 000 étangs en Angleterre et au Pays de Galles. On estime qu’il subsisterait désormais seulement un quart de ces points d’eau. Ce phénomène n’est pas typique de l’île britannique, on a pu l’observer en Europe et en Amérique du Nord. Il arrive en parallèle avec l’expansion de l’agriculture locale. En effet, ces lieux sont souvent détruits lorsque les agriculteurs souhaitent élargir leur champ, ils suppriment alors les haies environnantes et utilisent les plantes déracinées et le sol pour remplir les étangs.
Mais ces retenues d’eau ne disparaissent jamais vraiment du terrain. Même après sa destruction, on peut observer une dépression humide ou une marque circulaire là ou elles se trouvaient. On les appelle alors des « étangs-fantômes ». Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les étangs peuvent être de véritables mines d’or en terme de biodiversité. On y retrouve de nombreuses espèces aquatiques, par rapport à d’autres habitats d’eau douce. Ils fournissent également une ressource alimentaire importante pour les oiseaux et les chauves-souris.
Restaurer ces trésors aquatiques
Le Groupe de recherche sur la restauration des étangs de l’Université de Londres s’emploie à observer et conserver ces habitats aquatiques, bien souvent perdus ou délaissés par l’Homme. Le projet est intitulé Ghost Ponds Project. L’équipe a estimé qu’il y aurait environ 8 000 étangs fantômes dans le comté de Norfolk seulement, et au moins 600 000 en plus enterrés dans le paysage agricole anglais. Leur objectif est de récupérer les banques de graines anciennes que peuvent encore contenir ces étangs.
Pour localiser ces mines d’or aquatiques, les chercheurs utilisent des cartes d’arpentage et des documents historiques. Ils peuvent leur révéler l’emplacement d’anciens étangs, transformés depuis en terres agricoles, en comparant avec les cartes actuelles. Une fois l’étang-fantôme localisé et après l’obtention d’une permission, l’équipe de scientifiques creuse jusqu’à un à deux mètres sous le sol. Vient alors un travail de « résurrection » et de conservation de cet habitat aquatique si divers.
Les étangs représentent un manne biologique importante mais très souvent négligée. Leur restauration pourrait permettre un retour rapide et plus faciles des zones humides et des plantes aquatiques dans le paysage agricole, bien souvent plus utiles qu’on ne le pense. En effet, certaines espèces menacées par la construction de fermes sont très importantes, notamment pour maintenir la qualité de l’eau et offrir un environnement adéquat à certaines insectes, comme les libellules. « Ce processus pourrait jour un rôle majeur en empêchant la perte de certains habitats et de la biodiversité causée par la disparition mondiale des zones humides » garantit Emily Alberton, une des chercheuses de l’équipe.
La « résurrection » de plantes enterrées
Les scientifiques ont récupéré trois étangs-fantômes jusqu’à présent, tous provenant de terrains agricoles à Norfolk. Ils ont publié les résultats de leur étude dans le journal Biological Conservation. Mais le plus étonnant dans leur recherche est qu’ils ont réussi à « ressusciter » huit espèces de plantes aquatiques. Ces lieux oubliés pourraient également révéler des espèces animales dormantes. En effet, l’équipe de chercheurs a découvert des œufs de deux espèces de crustacés. Ils doivent malgré tout encore tester leur viabilité.
On avait déjà pu observer que les plantes aquatiques pouvaient survivre au repos pendant des siècles dans des lacs ou des zones humides. Une étude en Russie avait observé une plante capable de repousser avec des graines, provenant de lac, vieilles de 300 ans. Mais ici, les scientifiques de l’Université de Londres ont démontré leur impressionnante capacité à survivre dans un habitat détruit et à « renaitre de leurs cendres » après la disparition de leurs lieux de vie.
Les étangs-fantômes découverts et restaurés se sont recolonisés rapidement avec des plantes aquatiques. Certains avait été enterrés depuis plus d’un siècle. « Pour les plantes, de repousser après avoir été enterrées pendant 150 ans est remarquable. Les étangs sont souvent négligés par rapport aux lacs et aux rivières, en raison de leur petite taille, mais ils sont bien plus importants en terme de nombres d’espèces qu’ils contiennent. C’est formidable de voir un effort de conservation qui ramène certains de ces habitats perdus. » affirme Christopher Hassal de l’Université de Leeds.
Par Axelle Palma, le
Source: New Scientist
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