Depuis les années 2010, les Ouïghours, minorité musulmane turcophone de la province semi-désertique du Xinjiang, est persécutée par le pouvoir chinois en place. Envoyés de force dans des camps de rééducation, ils y subissent lavage de cerveau, torture, stérilisation, ce qui fait dire à de nombreux observateurs qu’il s’agit ni plus ni moins d’un génocide. Une enquête du New York Times révèle que les masques chirurgicaux exportés par la Chine et vendus à travers le monde sont le fruit du travail forcé de cette minorité persécutée.
Des masques fabriqués sous la contrainte ?
Une enquête édifiante du New York Times révèle des pratiques de travail forcé dans les camps de rééducation du Xinjiang, où sont enfermés des milliers de Ouïghours, minorité musulmane turcophone victime d’une violente répression par le pouvoir chinois. Le magazine américain s’est basé sur une centaine de vidéos des autorités chinoises, des photographies, documents gouvernementaux, suivis de cargaisons, pour en arriver à la conclusion que les masques exportés de Chine et vendus dans le monde entier sont le fruit de travaux forcés.
Comme le précise Le Monde, le gouvernement chinois a contraint cette minorité, ainsi que d’autres minorités musulmanes de Chine, à rejoindre les usines de fabrication d’équipement de protection individuelle (PPE, personal protective equipment), dans le cadre de sa lutte contre la pandémie de Covid-19. Selon le New York Times, qui se base sur les chiffres de l’Administration chinoise des produits médicaux, seules 4 entreprises du Xinjiang, avant la crise sanitaire, produisaient des masques de protection ; à présent, elles sont 51. Et parmi ces 51, au moins 17 d’entre elles font partie du programme de rééducation des Ouïghours mis en place par le gouvernement.
Des pratiques s’apparentant à un génocide
La répression contre les Ouïghours s’intensifie en 2014, après un attentat provoqué par des séparatistes. Le gouvernement chinois lance alors sa « guerre contre le terrorisme ». Comme le rappelle Bénédicte Jeannerod, directrice de Human Rights Watch en France, à Brut, « au lieu de répondre de manière ciblée, ils [les autorités chinoises] ont décidé de mettre en place une campagne de répression de masse à l’échelle de toute la province et à l’échelle des 13 millions de Ouïghours et de musulmans qui vivent dans cette province« . Dans cette vidéo de Brut, on voit que même ceux qui sont réfugiés dans d’autres pays continuent de recevoir des menaces et des intimidations de la part des autorités chinoises, ou bien qui menacent leurs familles restées au pays.
Un million de Ouïghours sont internés dans ces camps, selon un rapport de 2018 d’Amnesty International. La Chine les appelle « centres de rééducation », mais leurs proches n’ont pas été avertis que ces personnes y étaient internées. Le chercheur allemand Adrian Zenz a publié en juillet 2020 un rapport sur la stérilisation forcée des femmes ouïghoures, pratique qui peut s’apparenter à un génocide. Il y explique que la « croissance naturelle de la population au Xinjiang a considérablement diminué », avec une « chute de 84 % dans les deux plus grandes préfectures ouïghoures entre 2015 et 2018 ». Dans ces camps, les personnes subissent un lavage de cerveau, où ils apprennent des chants patriotiques et sont forcés d’abandonner leurs croyances musulmanes. Leurs organes y seraient prélevés et vendus.
La France vient tout juste de condamner une « pratique inacceptable », par les voix du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et de l’Économie, Bruno Le Maire. Jusque-là, la communauté internationale avait plutôt décidé de fermer les yeux. Seuls les États-Unis avaient fermement condamné la Chine, avec notamment la promulgation du Uyghur Human Rights Policy Act, « loi qui oblige (…) la Direction du renseignement national à rapporter au Congrès toute violation des droits de l’homme commise par le Parti communiste chinois et le gouvernement contre les Ouïghours ». La Nouvelle République rappelle, de son côté, les 5 critères de qualification d’un génocide : selon la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations unies, approuvée en 1948, un génocide est un crime « commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Les actes qualifiés de génocidaires sont : « meurtre de membres du groupe » ; « atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » ; « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ; « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe » ; « transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ». Force est donc de constater que les Ouïghours sont victimes d’un génocide par la Chine.
Par Marine Guichard, le
Source: Courrier International
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