Le moins que l’on puisse dire, c’est que le jeu vidéo Okami sorti en 2006 a marqué les esprits. À l’origine de son histoire, il y a un mythe japonais : celui de la déesse Amaterasu. Cette source d’inspiration donne au jeu sa direction artistique incroyable et le mélange subtil du tragique au comique en fait l’un des jeux marquants de sa génération. Venez découvrir le mythe d’Amaterasu et comment il inspire le jeu vidéo !

 

Sa représentation dans Okami

Le jeu débute avec la présentation d’un émaki, un système de narration sur rouleaux datant de l’ère Heian (de 794 jusqu’à 1185) mélangeant le récit aux dessins. On nous conte une histoire qui précède le jeu et qui commence dans le village de Kamikimura. Les villageois vivent dans un bonheur parfait au quotidien. Enfin presque. Un rituel doit être effectué pour apaiser Yamata no Orochi, un dragon à huit têtes maléfique qui requiert le sacrifice d’une vierge annuellement. La légende se raccroche à celle d’Izanagi et Izanami puisque c’est cette dernière qui est choisie par l’entité pour le rituel.

 

 

Un jour, un grand loup blanc apparaît et descend depuis les montagnes jusqu’au village. Izanagi, héros parmi les siens, se charge de le combattre et de le chasser. L’échéance du rituel approche et Izanagi décide de se sacrifier à la place d’Izanami. Il se pare des reliques et de la tenue de rituel et espère prendre sa place. Mais Yamata est loin d’être dupe et voit clair dans son jeu. Furieux, un combat se déclare. Alors qu’Izanagi fait face à une mort certaine, le loup blanc réapparait et l’aide à combattre le dragon. Le loup est grièvement blessé, mais a réussi à affaiblir Yamata, donnant l’opportunité à Izanagi de lui trancher une tête. Le dragon s’enfuit et les villageois érigent une statue en l’honneur du loup blanc.

Bien des années après, la déesse de la Flore Sakuya, réveille la statue qui se révèle être la réincarnation d’Amaterasu, la déesse du Soleil. Pourquoi ce réveil inattendu ? Parce que l’horrible Yamata no Orochi est également revenu sur ce monde et que sans la protection d’Amaterasu, il a déjà réussi à envahir le monde en lui dérobant ses couleurs. Le chef-d’oeuvre d’Hideki Kamiya combine le plaisir de jeu à une multitude de références historiques comme Himiko, la première reine du Japon, souvent rattachée au mythe d’Amaterasu ou des clins d’oeil de nombreuses oeuvres de la littérature japonaise. Et il est donc très intéressant de plonger dans le mythe de la déesse du Soleil pour comprendre davantage le jeu.

 

 

L’importance du culte d’Amaterasu

Dans la religion shinto, Amaterasu est la déesse du Soleil. À son nom s’ajoute souvent le qualificatif omikami, ou « l’auguste déesse illuminant le ciel ». Amaterasu apporte la vie et donc les cultures agricoles, dont le blé et le riz. Le miroir et le disque solaire sont les objets rattachés à son mythe et à son culte qui est primordial pour l’institution de l’empire japonais. La filiation entre souverains et un dieu est quelque chose de répandu dans toutes les civilisations, y compris dans celle de France avec le Roi-Soleil Louis XIV. Mais ici, on est dans un lien encore plus direct comme durant l’Antiquité.

Le Kojiki, ou « Chronique des choses anciennes » est un ensemble de mythes qui gravitent autour de la création des îles de l’archipel japonais. Sorte de théogonie japonaise, le recueil nous conte l’histoire d’Amaterasu, qui envoie son petit-fils Ninigi pour pacifier le territoire japonais. Pour ce faire, elle lui confie des reliques sacrées pour légitimer son pouvoir : une épée, un miroir et un joyau. Ces trois artéfacts deviennent au fil du temps les insignes sacrés de la famille impériale japonaise qui débute avec l’arrière-petit-fils d’Amaterasu, Jimmu, premier empereur du Japon. C’est pour cette raison que pendant des siècles, les empereurs sont considérés comme des dieux vivants.

 

 

Le mythe d’Amaterasu

La déesse est née de l’oeil gauche d’Izanagi. À sa naissance, sa beauté et sa brillance sont telles que son père l’envoie au sommet de l’Échelle Céleste pour qu’elle y règne. Elle y créa les inada, soit les champs de riz, elle apprit aux humains la culture du blé et l’élevage des vers à soie, mais elle inventa également l’art du tissage. Amaterasu et ses servantes directes tisseraient d’ailleurs une toile perpétuellement : celle de l’univers. Mais tout n’est pas si rose pour Amaterasu, car son frère et rival Susanoo, le dieu de la mer et des vents est d’un caractère impétueux et se plaît à offenser sa soeur par ses méfaits.

 

 

Susanoo, s’amusa un jour à faire gronder une terrible tempête sur le jardin fleuri d’Amaterasu, abimant toute sa création. Blessée et outragée, la déesse s’enfuit dans une caverne dont elle bloque l’entrée par une immense pierre. Le monde, privé de la lumière d’Amaterasu, est plongé dans les ténèbres et le mal en profita pour se développer. Tous les dieux cherchent un moyen de faire sortir la déesse de sa caverne et ils décident d’organiser une grande fête. Lors de cette dernière, la déesse de l’aube et de la gaieté Ame no Uzume, chante et danse de façon très sensuelle devant toute l’assemblée. Tous les dieux sont en extase devant ses vêtements qui laissent entrevoir ses jambes et sa poitrine. Les acclamations se font entendre à des kilomètres et cela suffit à attirer l’attention d’Amaterasu.

Une fois proche de son rocher, elle entend l’un des dieux s’exclamer que ceci est un jour béni, car ils ont enfin trouvé une déesse aussi brillante qu’Amaterasu pour la remplacer. Curieuse de voir cette soi-disant brillance par elle-même, elle entrouvre sa caverne et est éblouie par une lumière radieuse. Elle finit d’ouvrir la caverne pour mieux regarder et réalise que c’est en réalité un miroir placé devant son entrée et que la lumière est son propre reflet. Ame no Tajikarao, dieu connu pour sa force, tire Amaterasu de sa caverne tandis que d’autres dieux utilisent un shimenawa, une corde sacrée pour bloquer l’entrée. Amaterasu accepte de rester, mais souhaite punir son frère Susanoo. Ses ongles sont arrachés et il est immédiatement banni des cieux.

 

 

Une fois sur Terre, il voyage jusqu’à Izumo où tous les villageois sont en deuil. Yamata no Orochi, un monstre à huit têtes dévore des jeunes filles. Cette fois, c’est une jeune princesse qui fut enlevée. Susanoo promet qu’il réussira à la libérer en échange de sa main en mariage. Il fait construire un rempart en bois autour du village et fait placer des jarres de saké tout autour pour tenter le dragon. Yamata tombe dans le piège et boit tout l’alcool. Susanoo le provoque alors en duel et dans son orgueil, Yamata pense pouvoir en faire qu’une bouchée. À cause du saké, Yamata peine à éviter les attaques et perd tous ses réflexes. Susanoo tranche ses huit têtes et trouve l’épée légendaire Kusanagi dans sa queue. Pour se faire pardonner, il offre l’épée à sa soeur Amaterasu et l’artéfact devient l’un des trois attributs de la déesse ainsi que l’un des insignes sacrés de la famille impériale.

 

De nos jours, Amaterasu est représenté vêtu de rouge et blanc avec de longs cheveux noirs défaits. Si sa légende est primordiale dans la mythologie japonaise, elle est aussi une grande source d’inspiration pour la culture mondiale. Okami en est l’exemple le plus probant, mais de nombreux autres jeux et mangas en font référence depuis des décennies. Connaissiez-vous le mythe d’Amaterasu avant de connaître Okami ?

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