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Il peut nous arriver d’être choqués par le contenu de certaines vidéos que nous pouvons trouver sur YouTube. Imaginons donc le quotidien des modérateurs de cette plateforme de vidéos, qui doivent parfois visionner des contenus très glauques et macabres.

CE DOCUMENT PEUT APPARAÎTRE COMME UNE MESURE DE PROTECTION

Accenture est une entreprise exploitant un site de modération utilisé par YouTube. Depuis le 20 décembre dernier, elle distribue à ses employés un document dont la signature est obligatoire et qui exige que les modérateurs, s’ils souffrent un jour d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) dû à leur travail, le déclarent à leur supérieur. Cette mesure est-elle une mesure de protection des employés ou simplement une façon de mieux les contrôler afin de les licencier en cas de problèmes de santé mentale ? 

« Je comprends que le contenu que j’examinerai peut être dérangeant », écrit le document. « Il est possible que l’examen d’un tel contenu puisse avoir un impact sur ma santé mentale, et cela pourrait même conduire à un syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Je profiterai pleinement du programme weCare et demanderai des services de santé mentale supplémentaires si nécessaire. Je le déclarerai à mon superviseur ou à mon conseiller RH, si je crois que mon travail affecte négativement ma santé mentale. »

En diffusant un tel document, Accenture reconnaît explicitement que le travail effectué au sein d’un site de modération par des dizaines de milliers de personnes dans le monde peut avoir de graves conséquences sur la santé mentale. “Le bien-être de nos salariés est une priorité absolue« , a déclaré une porte-parole d’Accenture dans un e-mail adressé à The Verge. « Nous mettons régulièrement à jour les informations que nous communiquons à nos collaborateurs pour nous assurer qu’ils ont une vision claire de leur travail – aussi bien que du programme de bien-être et des services d’assistance complets que nous proposons. » Le document propose divers services de soutien disponibles pour les modérateurs qui souffrent de SSPT, y compris un « coach de bien-être », une hotline et le service des ressources humaines. (« Le coach de bien-être n’est pas un médecin et ne peut pas diagnostiquer ou traiter les troubles de santé mentale« , ajoute toutefois le document.)

MAIS ÉGALEMENT UNE FAÇON DE CONTRÔLER LES EMPLOYÉS

Mais ce document, sous ses beaux atours, semble également avoir pour but de responsabiliser les employés dans la surveillance des changements d’état que pourrait subir leur santé mentale et leur ordonne de divulguer d’éventuels changements négatifs à leur supérieur ou représentant RH. Il sont également obligés de solliciter une aide extérieure si nécessaire. « Je comprends à quel point il est important de surveiller ma propre santé mentale, d’autant plus que mes symptômes psychologiques ne sont principalement apparents que pour moi », indique le document. « Si je pense avoir besoin de tout type de services de santé autres que ceux fournis par [Accenture], ou si un conseiller me conseille de le faire, je les solliciterai. » Le document ajoute qu’« aucun travail ne vaut la peine de sacrifier ma santé mentale ou émotionnelle » et que « ce travail n’est pas pour tout le monde ».

Ce document, s’il peut paraître comme protecteur des droits et du bien-être des employés, utilise toutefois un langage qui suggère que les employés qui éprouveraient des difficultés de santé mentale à cause de leur travail pourraient être licenciés. Le document ne dit pas qu’Accenture aménagera la situation des employés qui développent un trouble au travail, comme l’exige la loi fédérale aux États-Unis. Or, il est illégal de renvoyer un employé sous prétexte qu’il a un trouble ou qu’il est handicapé.

Accenture assure que la signature du document est volontaire et non obligatoire, ce que réfutent deux employés qui ont été menacés de licenciement s’ils refusaient de signer. Le document lui-même dit également que suivre ses instructions est requis : « Le strict respect de toutes les exigences de ce document est obligatoire », indique-t-il. « Le non-respect des exigences équivaudrait à une faute grave et, pour les employés d’Accenture, des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pourraient être incluses. » Les experts en droit du travail ont déclaré que l’exigence d’Accenture selon laquelle les employés devraient informer leur superviseur des changements négatifs à leur santé mentale pourrait être considérée comme une obligation illégale de divulguer un handicap ou une condition médicale à un employeur.

Nous rappelons la loi de 1970 sur la sécurité et la santé au travail (OSHA), qui oblige les employeurs à fournir un lieu de travail exempt de risques pouvant causer des problèmes de santé, des blessures graves ou la mort. « Il semble que ces entreprises ne soient pas disposées à faire le travail requis par l’OSHA et à repenser ces emplois pour répondre à l’idée que les travailleurs doivent être en sécurité« , a déclaré Hugh Baran à The Verge, un avocat travaillant pour l’ONG National Employment Law Project. « Au lieu de cela, ils essaient de rejeter la faute sur les travailleurs.« 

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