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Les migrations enrichissent le comportement des chimpanzés, selon une étude

Ces animaux ont développé leurs capacités à manier des outils grâce aux interactions entre différentes populations de ces primates

Chimpanzes
— Martin Pelanek / Shutterstock.com

Une étude a récemment éclairé la culture des chimpanzés et la manière dont elle se transmet, montrant qu’elle est cumulative et se propage à travers les générations. En utilisant une méthode qu’ils appellent « machine à remonter le temps génétique », les chercheurs ont analysé des milliers d’années de transfert génétique, identifiant des schémas entre les femelles migrantes et les comportements avancés d’utilisation d’outils. Cela prouve que les techniques sophistiquées ne se développent pas au hasard, mais se propagent au sein des groupes sociaux et se perfectionnent avec le temps.

La culture chez les chimpanzés  

La culture des chimpanzés, observée pour la première fois à la fin des années 90, se manifeste par divers comportements, tels que l’utilisation d’outils simples ou complexes. Par exemple, certains chimpanzés utilisent des pierres comme outils, tandis que d’autres créent des ensembles d’outils pour attraper des termites à l’aide de bâtons et de feuilles.

Les chercheurs se sont intéressés à la façon dont cette culture se propage et évolue. Ils ont constaté qu’une idée simple peut être inventée indépendamment dans plusieurs groupes, mais qu’elle devient plus sophistiquée au fil du temps, grâce à son développement et à sa transmission entre individus. Cette évolution reflète la culture cumulative, partagée par les humains et les chimpanzés. Cependant, la différence majeure entre les deux est la flexibilité de la culture humaine, qui peut se diversifier, tandis que chez les chimpanzés, elle reste limitée aux comportements transmis.

À l’âge adulte, une femelle chimpanzé quitte généralement son groupe natal pour rejoindre un autre groupe de chimpanzés, afin d’éviter la consanguinité. Lorsqu’elles quittent leur groupe pour en rejoindre un autre, elles propagent non seulement leurs gènes, mais aussi les comportements culturels. Une étude menée en 2015 avait déjà montré que des groupes comme ceux des chimpanzés du parc national de Taï, où l’utilisation des outils, comme les casse-noix, perdure malgré les déplacements des individus. Cependant, ces comportements peuvent être fragiles, car une nouvelle femelle doit souvent s’adapter à la hiérarchie sociale du groupe d’accueil.

La transmission dépend largement des femelles migrantes. Ces dernières, lorsqu’elles arrivent dans un nouveau groupe, peuvent choisir de se conformer aux pratiques culturelles locales.

Les découvertes génétiques

L’une des grandes forces de cette étude réside dans l’utilisation des outils génétiques pour étudier la transmission culturelle des chimpanzés. Bien que les outils utilisés par ces animaux soient précieux pour comprendre leur culture, leur fragilité et leur dégradation rapide rendent difficile leur étude sur de longues périodes. Les chercheurs ont donc décidé de recourir à l’analyse génétique. Cette étude, réalisée par le Human Evolutionary Ecology Group de l’université de Zurich, est publiée dans la revue Science.

En étudiant les liens génétiques entre différents groupes de chimpanzés et en remontant dans le temps sur des milliers d’années, les scientifiques ont pu reconstituer les migrations des femelles et relier ces déplacements aux changements culturels observés. Ce processus, qualifié par les chercheurs de « machine à remonter le temps génétique », a permis de surmonter les défis liés à l’étude des comportements périssables. Grâce à l’analyse des différences génétiques entre les populations, ils ont pu identifier des modèles de transmission culturelle en corrélation avec les migrations des femelles. 

Il est apparu clairement que les comportements les plus complexes, comme l’utilisation d’outils sophistiqués, sont rarement inventés indépendamment dans chaque groupe, mais qu’ils se propagent à travers les groupes par le biais des femelles migrantes. Ces derniers jouent un rôle dans l’adoption et la diffusion de ces techniques au sein de nouvelles communautés, renforçant ainsi l’idée d’une culture cumulative chez les chimpanzés.

Des implications pour l’évolution humaine et la conservation  

Ce travail ouvre des perspectives sur l’évolution des comportements culturels chez les chimpanzés et chez les humains. Si les chimpanzés possèdent une culture cumulative, il est possible que nos ancêtres aient partagé cette caractéristique avec eux. Les chercheurs envisagent désormais de comparer les schémas de migration et de connectivité culturelle entre les chimpanzés et les premiers humains pour mieux comprendre comment la culture cumulative a pu émerger chez nos ancêtres communs. 

En outre, cette recherche a des implications pour la conservation. Les résultats suggèrent qu’il est essentiel de préserver non seulement les chimpanzés en tant qu’espèce, mais aussi leur diversité culturelle. La reconnaissance des cultures animales pourrait transformer la manière dont nous abordons la conservation. 

Le Programme des Nations unies pour l’environnement envisage désormais de protéger les cultures animales menacées, un concept qui pourrait s’étendre à d’autres espèces migratrices, comme les baleines ou les oiseaux. La conservation de la diversité culturelle animale pourrait ainsi devenir un enjeu dans les stratégies mondiales de préservation de la nature. Par ailleurs, que savez-vous vraiment des singes ?

Par Eric Rafidiarimanana, le

Source: IFL Science

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