Le magazine 60 Millions de consommateurs a publié ce 14 novembre une édition spéciale consacrée à l’automédication. Dans ce hors-série figure une liste de 62 médicaments sans ordonnance classés des plus dangereux aux plus bénéfiques. De quoi relancer l’éternel débat sur la proximité entre l’État et les lobbies pharmaceutiques…

 

Automédication = économies

À entendre les laboratoires pharmaceutiques, la Sécurité sociale pourrait économiser jusqu’à 1,5 milliard d’euros si elle autorisait la vente de plus de médicaments sans ordonnance. L’automédication a des airs de remède miracle au trou toujours plus abyssal de la Sécu : le patient s’épargne le coût d’une consultation médicale pour des symptômes bénins (toux, mal de gorge, rhume…) et va directement chez son pharmacien s’approvisionner en médicaments non remboursables. Le médecin peut s’occuper des « vrais malades, le pharmacien fait son chiffre, et la Sécu n’a pas à rembourser le moindre centime. Tout le monde y gagne. Sauf le malade.

Parmi les 62 médicaments scrupuleusement analysés par la rédaction de 60 Millions de consommateurs seulement 13 sont à privilégier, 20 sont « passables » et 29 sont à proscrire. La moitié des pilules, sirops et sachets répertoriés dans cette liste noire sont considérés comme dangereux, plus à même d’engendrer les effets secondaires que de traiter les symptômes. Et parmi ces cocktails explosifs pouvant contenir jusqu’à trois composants actifs, nous retrouvons des produits phares tels que Toplexil, Actifed Rhume, Bronchokod, Drill, ou encore Strepsils… Des stars du secteur plus rémunératrices que curatives.

Sirop pour la toux : le grand détournement

Le 17 juillet 2017 a joué un rôle considérable dans la guerre ouverte aux médicaments déremboursables. Ce jour-là, le Ministère de la Santé a décidé que les produits à base de dextrométhorphane – particulièrement efficaces contre la toux sèche – ne seraient délivrés QUE sur ordonnance médicale. La cause de tout cet émoi ? Des ados et de jeunes adultes aussi stupides qu’ingénieux auraient trouvé la parade pour se shooter à bas prix en buvant des litrons de sirop pour la toux – appelez-ça la sélection naturelle…

Toujours est-il que ces petits Géo Trouvetou de la défonce ont causé un sacré bordel en détournant l’usage premier du dextrométhorphane. Derrière ce nom barbare, imprononçable et impossible à orthographier se cache la substance active la plus efficace contre la toux sèche, mais aussi la mieux tolérée par les patients. Conséquence directe de son retrait des médicaments sans ordonnance : en 2017, les seuls remèdes contre la toux présents sur le marché relèvent soit du placebo, soit du sirop concentré à l’oxomézanine; une substance – très- active pouvant engendrer hallucinations, vertiges et somnolence. Tout un programme !

Autonomes, mais à quel prix ?

Il faut savoir que les prix des médicaments remboursés par la Sécu sont fixes, négociés entre les grands laboratoires pharmaceutiques et l’État; en 2017, ils s’étaient d’ailleurs engagés à une baisse des prix de 500 millions d’euros. Un beau sacrifice ? Pas vraiment : c’est le consommateur lambda qui va combler le manque à gagner des labos. Et la saison hivernale s’y prête particulièrement : rhume, mal de gorge, états grippaux et toux sèche sont les symptômes idéaux pour se précipiter à la pharmacie et dévaliser les stocks de Drill, Strepsils, Humex et compagnie. Des médicaments best-sellers plébiscités par les souffreteux qui n’ont pas été déremboursés sans raison : ils présentaient un « service médical » trop faible ou insuffisant pour prétendre au remboursement. Et lorsqu’ils ne sont plus remboursés par la Sécu, leur prix grimpe en moyenne de 43 % selon une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie et de la santé menée entre 2002 à 2011.

Une hausse de prix qui impacte directement les pharmaciens, pris en étau dans un dilemme cornélien : assurer sa marge en faisant le jeu des laboratoires par la préconisation de médicaments non remboursables à l’efficacité toute relative ; ou carrément refuser de les vendre au motif qu’ils sont néfastes pour la santé comme François Couchouron. En sachant qu’un pharmacien réalise en moyenne 80 % de son chiffre d’affaires sur les médicaments remboursables, il ne lui reste que les 20 % restants pour s’assurer un bénéfice ; bénéfice qu’il tirera des ventes de médicaments sans ordonnance et de la parapharmacie. Il est donc tout naturel que les patrons de grandes surfaces, et en particulier ceux du groupe E. Leclerc, lorgnent sur cette potentielle manne financière. Ils continuent de batailler pour arracher à l’État le droit de vendre des médicaments sans ordonnance, mais ce dernier n’est pas prêt à contrarier les pharmaciens. Il leur a donc donné un os à ronger : la vente de dispositifs médicaux, qui ressemblent très vaguement à des médicaments mais qui n’en sont pas. Perdus au milieu de toutes ces boîtes cartonnées aux slogans télévisés accrocheurs, les consommateurs ne savent plus à quel saint se vouer : faut-il faire confiance à son pharmacien ou à son propre avis ? Trouvez-vous un bon pharmacien, ça vous évitera de (sur)consommer l’un des 29 médicaments de la liste noire…

La liste noire

Le magazine 60 Millions de consommateurs a passé au crible 62 médicaments stars de l’automédication. Vendus sans ordonnance, ils figurent dans toutes les armoires à pharmacie de France, malgré des taux d’efficacité et de tolérance très disparates. Aidés du professeur en pharmacologie Jean-Paul Giroud et la pharmacienne Hélène Berthelot, les journalistes ont publié une liste des bons élèves, des élèves médiocres, et des cancres avec pour seul et unique critère le rapport bénéfice / risque.

Les médicaments « À proscrire » lorsqu’ils sont pris en automédication peuvent engendrer des effets secondaires indésirables – voire dangereux.

Les médicaments « Faute de mieux ! » sont des produits à l’efficacité relative ou non prouvée qui n’occasionnent pas ou peu d’effets secondaires – sauf exceptions.

Les médicaments « À privilégier » jouissent d’une bonne efficacité et sont généralement bien tolérés par les utilisateurs, générant très peu d’effets secondaires. Cela ne les exempt pas du moindre risque pour autant.

 

À PROSCRIRE

Rhume
Actifed Rhume jour & nuit
Dolirhume – Paracétamol et Pseudoéphédrine
Nurofen Rhume
Rhinadvil Rhume – Ibuprofène / Pseudoéphédrine
Actifed Rhume
HumexLib – Paracétamol et Chlorphénamine

Toux
Bronchokod sans sucre toux grasse adultes
Exomuc toux grasse orange
Fluimucil expectorant sans sucre orange
Humex toux sèche oxomézanine sans sucre
Mucomyst toux grasse orange
Toplexil sans sucre

Mal de gorge
Angi-Spray mal de gorge
Colludol
Drill
Drill miel rosat
Hexaspray
Humex mal de gorge – Lidocaïne-Benzalkonium
Strefen sans sucre
Strepsils lidocaïne
Strepsils miel citron

États grippaux
Actifed États grippaux
Doli État grippal
Fervex État grippal

Diarrhée
Ercéfuryl

Constipation
Dulcolax
Dragées Fuca
Pursennide

 

FAUTE DE MIEUX !

Rhume
Coryzalia
Rhinotrophyl

Toux
Hélicidine sans sucre
Prospan sans sucre lierre grimpant
Stodal

Mal de gorge
Euphon sans sucre
Lysopaïne sans sucre – Cétylpyridinium
Solutricine maux de gorge

État grippal
L52 États grippaux
Infludo
Oscillococcinum

Diarrhée
Smecta orange-vanille

Maux d’estomac
Mopralpro
Renie sans sucre menthe verte

Nausée, vomissements
Vogalib sans sucre

Digestion difficile
Citrate de bétaïne UPSA citron
Meteospasmyl
Météoxane
Spasfon-Lyoc

Constipation
Microlax
Sorbitol Delalande

 

À PRIVILÉGIER

Rhume
Calyptol Inhalant
Essence algérienne
Pérubore Inhalation
Vicks Inhaler

Toux
Vicks Vaporub

Diarrhée
Imodiumlingual
Imodiumcaps

Maux d’estomac
Gaviscon
Gavisconell menthe sans sucre
Maalox maux d’estomac

Constipation
Forlax 10 g
Lansoÿl framboise
Psylia

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